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Le groupe anglais Paradise Lost a, à lui seul, donné naissance à tout un sous-genre du metal avec des albums fondateurs comme Lost Paradise puis surtout Gothic, qui ont servi d’inspiration, plus ou moins évidente, à une multitude de formations passées comme actuelles. Le groupe y posait les bases d’une approche nouvelle : une musique lourde et pesante héritée du doom, teintée de mélancolie et de noirceur romantique, où les riffs massifs cohabitent avec des claviers atmosphériques et des chants à la fois caverneux et désespérés.
Un mélange inédit qui allait devenir la matrice du gothic doom, inspirant directement des groupes comme My Dying Bride, Anathema ou plus tard Katatonia, chacun reprenant à sa manière ce mariage entre puissance écrasante et émotion tragique.
Et si, à la fin des années 90 et au début des années 2000, Paradise Lost s’est éloigné de la formule qui avait fait sa gloire pour explorer des sonorités plus électroniques, la noirceur caractéristique de son univers est restée intacte. Puis, en 2007, avec In Requiem, le groupe signe un retour remarqué vers un son plus brut, renouant avec l’héritage de sa grande époque et venant réclamer, avec force et assurance, la couronne qui lui revenait de droit. Couronne que le groupe porte fièrement depuis et qu’il défend aujourd’hui avec Ascension, son 17e album.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le temps n’a en rien émoussé l’amour que les musiciens portent à ce qui les faisait vibrer dans leur jeunesse : la lourdeur du doom et ce romantisme noir et grandiose qui caractérise leur œuvre. Bien au contraire, les années semblent avoir renforcé cette fidélité à leur esthétique originelle, comme si Paradise Lost avait trouvé, après ses détours expérimentaux, la pleine mesure de son langage musical. Ascension s’inscrit parfaitement dans cette trajectoire, mais va encore plus loin en renouant avec l’âme des grandes œuvres que sont Icon et Draconian Times, celles-là mêmes qui avaient propulsé le groupe à l’apogée de sa popularité dans les années 90. On y retrouve cette même intensité dramatique, ce sens de l’équilibre entre lourdeur et mélodie, entre désespoir viscéral et grandeur épique, qui avaient fait d’eux des pionniers et des références incontournables du metal sombre.
Avec Ascension, Paradise Lost nous offre un véritable voyage dans son passé glorieux, sans jamais sombrer dans le passéisme. Les douze titres qui composent l’album possèdent en effet une identité résolument moderne, portée par une production claire et puissante qui met en valeur chaque détail. Les Anglais y conjuguent ce qu’ils savent faire de mieux: la lourdeur écrasante du doom, les envolées mélodiques qui transcendent la noirceur ambiante, des atmosphères travaillées avec une grande finesse, mais aussi des passages typiquement heavy metal qui redonnent à l’ensemble une énergie plus directe et incisive. Loin de se contenter d’un exercice de style nostalgique, le groupe parvient à réactualiser son propre langage, donnant à son univers une nouvelle vigueur.
Cette puissance musicale sert de support idéal à des textes où la mort, omniprésente, se décline sous toutes ses formes : fatalité inéluctable, ombre romantique ou menace imminente. Paradise Lost renoue ainsi avec sa veine la plus sombre et tragique, en livrant une œuvre qui conjugue désespoir et grandeur avec une intensité rarement atteinte depuis ses chefs-d’œuvre des années 90.
Le tout est porté par des musiciens qui n’ont plus rien à prouver, mais qui offrent pourtant le meilleur d’eux-mêmes, comme mus, galvanisés par l’envie de se surpasser encore. On retrouve avec un plaisir intact le style inimitable de Greg Mackintosh, dont la guitare se déploie telle une toile d’araignée sonore : ses notes, à la fois mélodiques et venimeuses, capturent l’auditeur et l’enserrent peu à peu dans un réseau d’émotions sombres et envoûtantes, dont il est impossible de s’échapper. Aux côtés de ce maître des ambiances, Nick Holmes impose une prestation vocale remarquable, alternant growls abyssaux et chant clair désabusé, donnant corps et voix à la dualité dramatique des morceaux. La section rythmique, menée par Stephen Edmondson et Guido Zima Montanarini, assure un socle massif et implacable qui amplifie encore la gravité de l’ensemble.
Ascension ne se contente donc pas d’être un simple retour aux sources : c’est un album qui réaffirme la suprématie de Paradise Lost sur le doom metal gothique. Un disque qui résonne comme un pont entre le passé glorieux et l’avenir du metal sombre, et qui s’impose déjà comme une étape incontournable dans la carrière des Anglais.