Corvus Corax, Endstille, Incantation, Axel Rudi Pell, Objector, Armored Saint, Poseydon
Wacken (DE)
Date 1er août 2024
Chroniqueurs Ségolène Cugnod/Oli de Wacken
Photographe Ségolène Cugnod
https://www.wacken.com/en/

Tout comme la veille, commençons la journée en beauté par un passage sur la Louder Stage où Armored Saint, qui s’offre un petit périple des festivals européens, nous gratifie, en une heure de temps, d’un best of agrémenté, en ouverture, de End of the Attention Span, extrait de son dernier album Punching the Sky (2020). En cette heure quasi matinale, le groupe, culte s’il en est, est attendu comme le messie, et John Bush, tout de blanc vêtu, nous donne à apprécier, comme toujours, ses immenses talents de vocaliste et de frontman. Les grands moments de ce concert auront lieu, sans surprise, durant l’interprétation de Last Train Home et de Reign of Fire, extraits du référentiel Symbol of Salvation (91), repris à gorges déployées par un public aux anges. [Oli]

Après les représentants de la Roumanie, de la Grèce et de la France la veille, vient le moment pour Poseydon de porter les couleurs du drapeau de la Belgique parmi les gagnants de la Wacken Metal Battle sur la Headbangers Stage. Les cinq Flamands sortent l’artillerie lourde, à savoir un style death/thrash classique et surfant sur les codes des deux genres mais bien guerrier et bourrin, à grands renforts de gros riffs, d’une rythmique rapide et d’un style vocal magistralement géré par le vocaliste Tom « Lenny » Lenaerts et qui a de quoi évoquer quelques grands noms. Outre cela, et ce en dépit de son T-shirt arborant des mots évoquant la haine, l’homme a l’art de s’adresser à son public en faisant preuve tout à la fois de prestance et de sympathie. Possédant à son actif une discographie peu fournie, ne comptant que deux albums studio, Poseydon sait toutefois y puiser pour en sortir les titres les plus efficaces et qui laisseront forte impression à la frange du Wacken Open Air venue les découvrir. Un des guitaristes souffre un souci technique sur sa guitare, heureusement assez vite résolu pour ne pas entacher la prestation ni casser son rythme. [Ségolène]

Après un moment passé à flâner dans les allées de la Camping Plaza, qui me donne l’occasion de découvrir le concentré de bonne humeur qu’est cette zone du site du festival et sa scène Welcome to the Jungle, et avant de me diriger vers la Faster Stage pour shooter Axel Rudi Pell, je me permets un nouveau détour improvisé par la Wasteland Stage dans la perspective d’une nouvelle découverte « à l’aveugle ». Bien m’en prend, puisque c’est Objector qui se présente à mon objectif et à mes oreilles, un groupe, comme vous n’aurez certainement pas eu de mal à le deviner, de thrash metal. Pour être encore plus précise, il s’agit de bon, voire très bon thrash metal bien speedy, agressif et criard à la sauce allemande — plutôt cocasse sachant que le groupe est originaire de la région d’Anvers en Belgique ! À ce niveau, il ne cache pas ses influences issues de Kreator, affichées sur le T-shirt de Bock, chanteur et guitariste ; bon point pour moi qui suis fan du groupe. Son comparse guitariste Filip Verstappen et lui-même se révèlent deux guitaristes de talent. Je ne peux me permettre de m’attarder bien longtemps, devant prendre de l’avance pour la suite ; je garde tout de même d’Objector le souvenir d’une découverte certes brève, surtout incroyablement énergisante. [Ségolène]

Bien que le heavy metal (old-school) constitue pour beaucoup la raison principale de se rendre au Wacken, moi-même incluse, je ne peux m’empêcher de me dire que tout cela manque tout de même un peu de metal extrême. C’est ainsi que je me dirige vers Bullhead City et ses deux scènes, arrivant sur la fin du set de Uada et largement en avance pour celui d’Incantation. Le quatuor américain fait son entrée en scène sur fond d’une bande-son récitant des passages d’un livre maudit que je devine être le Necronomicon avant d’enchaîner sur Carrion Prophecy ; rien de tel, en somme, pour rendre hommage à ce que le groupe appelle « blasphemous death metal » ! Ce n’est que le début d’une longue plongée dans la caverne aux horreurs qu’est ce style aux atmosphères très sombres, occultes et opprimantes ; croyez-moi, la métaphore n’est pas peu appropriée tant les riffs et surtout la voix de John McEntee semblent sortis des tréfonds d’une grotte souterraine. Toujours dans la continuité de ce que veut le style, le guitariste Luke Shively apparaît comme littéralement possédé par ce dernier… de quoi donner des frissons, au moins autant que la setlist qui prend des allures de rétrospective, surtout pour les fans de longue date lorsque John McEntee annonce un morceau dont le titre m’échappe, mais dont je comprends qu’il s’agit de « un des premiers que l’on a composé ». Dans tous les cas, ce set, dans sa simplicité, dévoile un occultisme dépassant l’imagination. Pour moi qui ne compte pas parmi les francs adeptes du death metal et découvre le genre à chaque concert auquel j’assiste, dire que je suis loin d’être déçue par Incantation est très doux euphémisme ! [Ségolène]

Après le death metal, vient le temps de laisser place au black avec Endstille. Bien qu’originaire de Kiel et d’Aix-la-Chapelle en Allemagne, tout ou presque chez le quatuor évoque la seconde vague du black metal norvégien des années 90, qu’il s’agisse des morceaux à l’écriture dépouillée façon punk, aux riffs incisifs et au rythme rapide, le son loin d’être policé allant avec et, bien sûr, le corpse paint et les éclaboussures de sang qu’arborent respectivement le bassiste Cruor sur le visage et le frontman Zingultus sur le crâne et le T-shirt. J’accorde d’ailleurs un excellent point à la voix de ce dernier, bien éraillée et black à souhait et éructant des textes dont je devine bien l’égale noirceur, ainsi qu’à son jeu de scène très investi. Tout ceci réuni me donne l’impression, une heure durant, d’être de retour au Forest Fest — à l’affiche duquel j’espère du coup bien voir Endstille un jour. Ceci dit, si les morceaux sont très efficaces, d’un point de vue visuel, je ne peux pas en dire autant des lumières bleues omniprésentes sur certains d’entre eux, qui sont loin d’être du plus bel effet. Ça, ainsi que la déroutante disparité dans les looks de scène des quatre hommes, crée une drôle d’impression d’inconsistance dans les aspects visuels du groupe. Cela étant, et fort heureusement pour lui, il n’y a bien que les photographes tels que moi-même pour accorder de l’importance à un tel détail ; en ce qui concerne le public dans son ensemble, celui-ci fait que plus que bon accueil à Endstille et à son black old-school aux ambiances morbides. Tout cela ressort particulièrement bien sur le dernier morceau, dont l’introduction consiste en un vieil enregistrement annonçant la mort du Führer, de même que sur l’outro du set, qui prend la forme d’une chanson allemande rétro. Un peu de noirceur dans un monde coloré ne fait pas de mal, ce qu’Endstille apporte en ce début de soirée. [Ségolène]

Corvus Corax compte parmi les groupes régulièrement présents à l’affiche du Wacken et, à ce titre, des incontournables ; assister au show du groupe s’imposait alors. Au niveau du créneau horaire, se retrouver programmé en même temps que le mythique Scorpions ne joue pas en la faveur de la formation berlinoise ; par chance pour elle, le public du festival est assez disparate pour comporter bien assez de fans de folk qui répondent présents pour un petit moment de Tanzmuzik. Pour cela, le groupe dégaine un attirail de taille : des cornemuses en nombre aux percussions traditionnelles, en passant par tout un tas d’autres, à vent ou à cordes, dont le nom échappe aux non-initiés : bombarde et cistre entre autres, jusqu’à un immense organistrum… autant dire que l’espace scénique paraît bien étroit pour tout ce beau monde ! Beau monde auquel viennent se joindre des figurants déguisés, les uns en chevaliers, un autre en créature cornue, ceci à un moment où les musiciens revêtent des perruques poudrées, pour une raison que je ne parviens pas à saisir… Heureusement, les membres de Corvus Corax et leurs compagnons de scène ont le sens du partage, sur scène comme au-delà : il n’y a qu’à voir les joueurs de cornemuse à deux devant un même micro ou certains spectateurs ramer ou reprendre les refrains les plus entêtants en chœur avec le groupe pour s’en rendre compte ! Tout le monde profite du moment, ce qui fait plaisir à voir ; bien que, pour ma part, j’ai bien du mal à accrocher complètement. La faute, de mon point de vue, à quelques éléments hors sujet, telles les perruques poudrées ou la présence d’une chanteuse lyrique sur un titre, dont la voix semble trop noble et élégante par rapport à un folk plus simple et populaire. Il n’empêche que Corvus Corax marque par son esprit bon enfant ; de quoi se redonner un petit coup de boost avant de foncer retrouver Scorpions pour les derniers morceaux et finir la soirée. [Ségolène]

En tant que membre parfaitement complémentaire de notre duo désormais bien rôdé, j’opte pour le show de Scorpions pendant que Ségolène assiste à celui de Corvus Corax, ce pour quoi je ne me fais pas prier. Non seulement parce que le groupe dispose d’un répertoire à rendre jaloux pas mal de combos, et non des moindres, mais aussi et surtout parce que cette tournée 2024 vise à célébrer les quarante ans de l’album de tous les records, Love at First Sting. Celui-ci sera interprété dans son intégralité, les titres étant toutefois joués dans un ordre différent de ce qu’il est sur disque, et entrecoupé de classiques plutôt que présenté d’une traite. Une option aussi valable qu’une autre. Ainsi, le tonitruant Coming Home ouvrira le bal et Big City Nights verra la charmante Doro, amie de toujours des Scorps, venir seconder Klaus Meine avant un premier baisser de rideau. En rappel, l’inoxydable Still Loving You et le revigorant Rock You like a Hurricane achèvent la journée et le public. Un groupe convainquant sur scène, un show lumineux dans tous les sens du terne et une set list en béton : bravo les Scorps ! [Oli]

Les concerts préférés de Ségolène : Axel Rudi Pell, Incantation, Endstille

Les concerts préférés d’Oli : Armored Saint, Axel Rudi Pell, Scorpions