Des dates spécialement dédiées au power metal, ce n’est pas si souvent que nous y avons droit à Lyon ; encore moins une date qui rassemble les pôles Nord et Sud de l’Europe. C’est une affiche de ce genre que nous réserve Access Live en ce soir du 28 février au CCO La Rayonne. Elle met en avant un représentant de la scène suédoise en la personne de sa tête d’affiche Dynazty, en pleine promotion de son nouvel album Game of Faces, et un autre de la scène italienne, avec spécialisation humoristique en prime, en la personne de Nanowar of Steel. Un mélange un peu incongru s’il en est, dont l’équivalent culinaire constituerait à mélanger du gravlax à une pizza napolitaine !
Pour l’heure, c’est toutefois à un autre groupe sud-européen que revient la tâche d’ouvrir la soirée : il s’agit de Kilmara, venu de Barcelone — et qui a garé son fourgon près de l’entrée de la salle selon certains spectateurs — ; en tout cas, une nouvelle fois un groupe inconnu au bataillon pour plusieurs d’entre nous, y compris vos chroniqueuse et photographe, toujours curieux de faire une nouvelle découverte. Malheureusement pour les cinq Catalans, ces derniers jouent devant un public encore peu fourni au vu de l’heure… pas l’idéal pour une musique si people-friendly ! Cela étant, l’alchimie entre les cinq membres du groupe et l’enthousiasme de tous les instants qu’ils affichent suffisent à compenser ce petit inconvénient, de même que leur énergie solaire — au sens littéral. En effet, à l’instar de ses confrères de Dynazty, Kilmara est venu avec un nouvel album à promouvoir, Journey to the Sun, sorti le 31 janvier dernier et dont quelques extraits intègrent la setlist. Le heavy/power metal mélodique teinté d’accents glam — notamment dans la voix un peu nasillarde du frontman Dani Ponce — est très plaisant, bien que simple dans son approche, très aidé en cela par la sympathie des cinq hommes et l’investissement de tous les instants dont ils font montre. Les deux guitaristes, Carles Salse et Jony Portillo, n’hésitent pas à prendre de la hauteur en montant sur les caisses à l’avant de la scène ; le premier un peu réservé sous sa casquette, le second très souriant et montrant une belle complicité avec son comparse bassiste Didac Plà. Je me découvre pour ma part un petit coup de cœur pour Dani Ponce, dont l’humeur chaleureuse et le sens de l’humour font mouche à chaque fois qu’il prend la parole ; d’abord pour remercier les spectateurs de leur présence — dans un français très correct —, plus tard pour leur demander combien d’entre eux connaissaient déjà le groupe — « Quelques-uns ? Ne vous en faites pas, ce soir ça changera ! ». Vers la fin du set, il profite d’un moment où le batteur Eric « Killer Lethal » Martinez doit résoudre un souci technique pour présenter les membres du groupe et parler de l’album Journey to the Sun. Ce à quoi les spectateurs se montrent réceptifs, appréciant visiblement la découverte, et tapent dans les mains en rythme tout en chantant en chœur sur le dernier morceau, durant lequel Carles Salse se lâche un peu plus et fonce vers le micro chœur pour donner de la voix. Un bon début de soirée !
Avant de me mettre en route pour ce concert, j’envisageais déjà d’y croiser de nombreux comparses métalleux venus en bonne part, si ce n’est principalement, pour Nanowar of Steel. L’ouverture me donne raison, beaucoup de spectateurs commençant déjà à s’enthousiasmer tels d’heureux enfants avant même l’arrivée sur scène des musiciens ! Ceux-ci débarquent en trombe, arborant fièrement le kitsch de leurs tenues disco à paillettes et la classe de leurs lunettes de soleil, avant de démarrer, toujours en trombe, avec Sober, immédiatement suivi de Stormwarrior of the Storm, un bulletin météo épique. Durant ces deux premiers titres, et cela est sûrement dû au fait de m’être placée très près de la scène, je trouve le mix assez confus, ne permettant pas de saisir toutes les nuances. Ces dernières sont de toute manière fort peu subtiles, dans la lignée de l’humour du groupe, basé sur l’hommage très, voire trop, appuyé à de grands noms de la scène power/folk metal. Après Alestorm et HammerFall, le prochain à y passer est Sabaton, sous la forme de Pasadena 1994, qui raconte sur un ton « héroïque » la finale de la coupe du monde Brésil/Italie de cette même année ; Gatto Panceri 666 (basse) et Mohammed Abdul (guitare) assurent le chant lead. Les chanteurs et performeurs Potowotominimak et Baffo — ce dernier n’ayant pas l’air peu fringant dans son tutu rose — lancent ensuite un « wall of love » sur une reprise de George Michael ; gimmick un tantinet prévisible, voire cliché, mais attendrissant. « You are so beautiful! » clame ensuite Baffo avant d’annoncer une autre chanson « romantique », And Then I Noticed She Was a Gargoyle, morceau de type slow qui donne l’occasion, à certains spectateurs de contribuer à l’ambiance en allumant les lampes de leurs téléphones et aux musiciens de raconter beaucoup de blagues graveleuses… Si j’apprécie de voir le public se montrer réceptif et s’amuser, je dois reconnaître que pour ma part, les excès d’« amour » et de références dans l’humour du groupe ont tôt fait d’avoir raison de ma patience et qu’il me faut prendre un moment en dehors de la salle pour récupérer… Après cette pause, je reviens juste à temps pour Norwegian Reggaeton, morceau qui a la capacité de rentrer et rester dans la tête de ceux qui le connaissent rien qu’en entendant son titre ! Panceri 666, très loquace et qui s’exprime par ailleurs dans un français fort correct, explique ensuite sur le ton de l’auto-dérision que les textes de Nanowar of Steel sont les plus intelligents et les plus drôles du monde ; cette blagounette sert surtout de prétexte à annoncer la reprise façon Nanowar d’un classique de la chanson française, Brave Margot de Georges Brassens. Enfin, c’est un classique du groupe, Valhalleluja, sur lequel la scénographie joue sur les projections d’étincelles, qui fait office de conclusion à ce set très investi par tous les partis en présence, toutefois plus intéressant sur le plan photographique que musical. Un tel style d’humour et de comédie ne s’adresse finalement qu’à des sensibilités bien particulières.
Après le voyage intergalactique et les excès de kitsch, ainsi qu’une pause de rigueur, il se faisait temps de revenir à une approche plus sobre et terre-à-terre du genre power metal, telle celle dont la scène suédoise tient sa réputation ; ça tombe bien, Dynazty est là pour s’en montrer digne ! Dans la semi-pénombre, le groupe fait son entrée en scène en toute simplicité, Ameno d’Era en guise de fond sonore, avant d’attaquer sur Fortune Favors the Brave, un premier extrait du dernier album Game of Faces, suivi justement du morceau donnant son titre à l’opus. Sur ces deux premiers morceaux, le frontman Nils Molin dévoile d’emblée une excellente forme vocale — de même qu’un charme indéniable, pour des points de bonus —, très bon point annonciateur d’une suite de set à la hauteur de ce démarrage. Autre point très positif et qui fait du bien à voir : la joie qui se lit sur les visages des musiciens, bien loin de la réputation de froideur qui précède les pays du grand Nord ! Par ailleurs, Game of Faces, le morceau, dévoile deux atouts de taille que sont d’un côté, ses accents disco et de l’autre, la complémentarité des deux guitaristes Rob Love Magnusson et Mikael Lavér, tout bonnement excellents. Dynazty opère ensuite un mini-retour dans le passé avec Natural Born Killer, extrait du précédent album sorti en 2022, Final Advent. Sur ce morceau, de nombreux spectateurs se montrent particulièrement déchaînés, comme traversés d’un choc électrique… ce qui, je le reconnais, me surprend quelque peu, moi qui pensais que la folie était passée avec les excès de Nanowar of Steel ! Suivent The Grey, extrait de l’album de 2018 Firesign, nouvelle occasion pour les deux compères guitaristes de démontrer leur talent et leur complémentarité — et pour l’un des deux de siphonner tout une bouteille —, puis Waterfall, que j’attendais pour ma part avec impatience, s’agissant d’un de mes morceaux préférés du groupe. Autres classiques des setlists de Dynazty que les medleys de milieu de set, qui viennent apporter un moment de relâchement pas désagréable et dont chacun des musiciens profite pour exprimer ses talents. Sans surprise, le duo guitaristique Rob/Mikael se révèle tout aussi efficace sur le plan acoustique qu’électrique. De même pour Nils Molin, qui donne de la voix à fond sur la fin des medleys de manière pour le moins impressionnante, lui valant des acclamations plus que méritées de la part d’un public qui en redemande. Une demande à laquelle Dynazty ne se fait pas prier pour répondre, la fin du medley acoustique sur Yours embrayant sur la version électrique du même morceau, suivie de Call of the Night. Par la suite, le temps pour les guitaristes et Jonathan Olsson de changer d’instruments, Georg Härnsten Egg nous livre une démonstration de son expertise en matraquage de fûts dans les règles de l’art. Presence of Mind, très heavy, suit, marquant un moment d’union parfaite entre le groupe et son public, tout comme The Human Paradox. Dream of Spring fait office de pré-conclusion mid-tempo et emplie d’émotion partagée, dernier extrait de Game of Faces dans une setlist qui en comporte finalement assez peu. Enfin, de manière certes prévisible mais non moins efficace, le très catchy Heartless Madness marque la fin de ce set, qui vaut à Dynazty de la part du public un accueil diablement enthousiaste largement mérité !
Les goûts et les couleurs ne se discutent pas, dit-on, tout comme l’on affirme que les mélanges insolites peuvent donner des saveurs inattendues et surprenantes. En réunissant des groupes aux thématiques si différentes mais officiant au sein d’une même scène, l’affiche de ce soir non seulement prouve la véracité de ces deux affirmations, mais encore met en valeur par là même la diversité humaine et musicale au cœur de la scène power/glam metal européenne. En résulte, du moins pour ma part, une découverte sympathique avec Kilmara, une démonstration d’excès maîtrisée avec Nanowar of Steel et une confirmation d’un nouvel amour pour la scène suédoise avec Dynazty. Well done, guys!