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Avec le temps, les groupes et œuvres musicales évoluent de différentes manières : certains se dispersent aux quatre vents, d’autres essaient d’innover et quelques-uns parviennent à affûter leur son tout en restant fidèles à leurs racines et ce qui fait leur saveur… Avec Sleepless Empire, Lacuna Coil démontre qu’il appartient à cette dernière catégorie. Après presque trente ans de carrière, le groupe milanais continue à faire évoluer son gothic metal sans le dénaturer.
Dès les premières notes de The Siege, le décor est planté. Une petite intro avec une voix « éloignée » et hyper reverbée, dans un style qui fait penser aux premiers albums de Myrath, suivi de l’apparition d’Andrea Ferro à la voix. Je trouve d’ailleurs que son rendu vocal est comme le bon vin du nord de l’Italie : il s’améliore avec les années. Cette introduction laisse rapidement place à des riffs carrés et à une section rythmique massive sans grande surprise, illustrant parfaitement la dualité entre grandeur symphonique et agressivité. La voix de Cristina Scabbia est extrêmement bien produite. On tient déjà un morceau qui aura parfaitement sa place sur une setlist live et qui inaugure cette écoute de fort belle manière.
Le second morceau, Oxygen, adopte une approche plus directe. À noter le bon travail mélodique des guitares qui ne font pas que de longues nappes derrière les deux front. Il y a une certaine audace dans l’orchestration avec des petites spécialités à tous les étages instrumentaux. La production est idéale pour remuer la tête. Mention spéciale pour la batterie et la basse qui soutiennent cet ensemble de main de maître. Même sans être un fan absolu de metal gothique, je me surprends à consulter leurs prochaines dates en live…
Vient ensuite Scarecrow. Ce qui surprend, c’est le travail du bassiste, qui nous fait « galoper » avec une ligne très accrocheuse et une audace rythmique qui rappelle certains standards du metalcore. Surprenant et très agréable. Le titre joue encore sur des contrastes subtils, alternant passages calmes et montées en puissance, avec une interprétation vocale qui, là aussi, fera plaisir aux hordes de fans que les Milanais arrivent à amener devant eux à chaque live. Scabbia prouve une fois de plus qu’elle sait parfaitement doser son chant.
Avec Gravity, Lacuna Coil explore un terrain plus familier, flirtant avec des sonorités nu-metal, le tout secondé d’une production très électronique. Si la chanson est efficace, elle semble moins inspirée que le reste de l’album, évoquant des schémas déjà éprouvés par le groupe par le passé. Une nouvelle fois, on est face à une production parfaite des voix qui sont très clairement en avant, sans pour autant écraser le reste.
I Wish You Were Dead est une nouvelle fois un titre très accrocheur et comporte un refrain fédérateur, réaffirmant la capacité du groupe à composer des hymnes taillés pour la scène. Toutefois, il s’inscrit pleinement dans les codes les plus classiques du metal à chanteuse. Avec son style qui aurait parfaitement trouvé sa place en 2004, à l’apogée de la vague Within Temptation/Nightwish/Delain, il ne surprend en rien. Sans être mauvais, il ne révolutionne pas le genre et ne séduira sans doute pas les amateurs d’innovations musicales.
Cependant, on enchaîne avec l’un des temps forts du disque qu’est sans aucun doute Hosting The Shadow, qui accueille Randy Blythe (Lamb of God). Sa voix gutturale apporte une intensité supplémentaire qui fait de ce titre le plus accrocheur de l’album selon moi ! C’est propre, intense et très fédérateur. On en redemande !
In Nomine Patris mise sur une approche plus théâtrale, rappelant les racines gothiques du groupe avec des orchestrations majestueuses et une atmosphère quasi religieuse. C’est très planant et réveille mon côté « melodeath ». Un pari osé, mais réussi ! On retrouve une rythmique intéressante avec certains passages en sextolets qui donnent un côté très galopant à la guitare, sur laquelle la double pédale de Richard Meiz fait merveille. Second coup de cœur de l’album pour ma part ! D’autant qu’on retrouve un joli solo de guitare très mélodique et propre à la fin du titre. Petit bémol : à la suite du solo, on devine un plan de tapping qui n’est malheureusement pas assez mis en avant. Dommage car cela aurait rajouté un aspect plus technique et intéressant à l’ensemble.
Le morceau-titre, Sleepless Empire cristallise l’esprit de l’album : une production impeccable, des mélodies poignantes et une énergie brute qui ne faiblit jamais. Il incarne parfaitement l’évolution de Lacuna Coil, à la fois fidèle à son héritage et en quête de nouvelles textures sonores. Mention spéciale pour la palette de patterns offerte par la batterie.
En fin de parcours, Sleep Paralysis plonge dans des ambiances plus sombres et hypnotiques. L’ostinato offert par la guitare, puis le solo suivi de nappes très lancinantes viennent renforcer ce côté très sombre.
In the Mean Time en duo avec Ash Costello (New Years Day), joue sur des harmonies vocales tendues et des contrastes bien dosés, rien de très surprenant mais il faut avouer que les deux voix s’accordent bien et que l’alchimie entre les deux prend à merveille.
L’album se conclut avec Never Dawn, qui résume à lui seul la philosophie du disque : un équilibre entre force et émotion, tradition et renouveau.
Pour résumer, que dire ? Avec ce nouvel album, Lacuna Coil ne cherche clairement pas à révolutionner son style, mais à l’affiner avec intelligence. L’album déploie une production d’une grande précision. Si cette approche millimétrée prive parfois les morceaux d’un certain grain de spontanéité, elle garantit une puissance d’exécution redoutable. Il est cependant clair que lorsque Lacuna Coil prend un risque en invitant des externes, en général le résultat est excellent ! Peut-être devraient-ils le prendre plus souvent ?
Les thématiques explorées, entre aliénation moderne et quête d’authenticité, résonnent avec notre époque. Sans être révolutionnaires, elles sont abordées avec suffisamment de sincérité pour toucher l’auditeur.
Ce nouvel opus des Milanais ne convertira peut-être pas les détracteurs du groupe, mais il prouve que Lacuna Coil n’a rien perdu de sa pertinence. En restant fidèle à son ADN tout en affinant sa formule, le groupe signe un album à la fois puissant et introspectif, taillé pour la scène comme pour une écoute attentive. Il va sans dire que les chances de me retrouver dans leur public prochainement lors d’un live sont grandes !
Tracklist
- The Siege
- Oxygen
- Scarecrow
- Gravity
- I Wish You Were Dead
- Hosting The Shadow (feat. Randy Blythe)
- In Nomine Patris
- Sleepless Empire
- Sleep Paralysis
- In The Mean Time (feat. Ash Costello)
- Never Dawn