En ce dimanche 8 juin, nous rejoignons le site du Gashouder à 16 h, juste à temps pour Decapitated, dont le death n’est ni trop soft, ni trop brutal, ni trop simple, ni trop technique. Le chanteur est bon frontman et le groupe se montre efficace sur scène. Difficile de se montrer réticent face à cette prestation, à défaut d’être passionné. Enfin bon, les goûts et les couleurs…
Pour Sylosis, le constat est à peu près identique : c’est solide, efficace, mais le style est différent et navigue entre death mélodique et metalcore. Josh Middleton (chant/guitare) nous sert de très bons solos et la mécanique de l’ensemble est bien huilée. Poison for the Lost est assez jumpy et propose encore un bon solo. Worship Decay se veut décalé, avec un riff plombé puis une brève accélération, un retour à la lourdeur puis une réaccélération. Un bel exemple de ce que propose le groupe en termes de construction de morceaux. Même si la recette est connue, tout réside dans le savoir-faire, et Sylosis n’en manque pas. Josh annonce un nouvel album pour 2026, avant de lancer le dernier titre. C’est parti sur un début en double lead, puis Josh balance un « one, two, three » ce sur quoi ça bastonne sur un phrasé hardcore, ça repart en lead avant le deuxième couplet à nouveau hardcore, puis vient une grosse accélération. Sylosis montre des talents de composition certains et déploie de belles aptitudes scéniques, acquises au fil des années.
Il est, pour moi, temps de me restaurer, mais notre photographe Paul, toujours au poste, vous a immortalisé les meilleurs moments du concert d’In Flames que, visiblement, tout le monde attendait.
Meshuggah bénéficie d’un succès mérité mais quelque peu étonnant, son math metal ne pouvant pas franchement être qualifié de facile d’accès. Riffs mécaniques, saccadés, contretemps, solos dissonants ou non, le tout sur de grosses rythmiques ; telle pourrait être la définition de la surpuissance musicale, qui plaît aux fans de metal qui cogne dur, et qui pourrait en partie expliquer l’engouement pour Meshuggah. Les jeux de lasers renforcent l’immersion dans un monde mécanique et hostile ; en outre, les zicos sont statiques, ce qui, paradoxalement, participe à un jeu de scène qui renforce l’aspect monolithique d’un tout. Choix difficile pour une tête d’affiche, mais pari gagné, car Meshuggah a réussi à fédérer et à conclure en beauté ce premier South of Heaven Open Air. Enfin, presque, puisque nous nous rendons à présent au Muziekgieterij, la salle toute proche qui accueille les concerts en after, et notamment celui d’I Am Morbid.
Premier groupe de cette fin de soirée en indoor, Savage Lands, le combo à vocation écologique formé par Dirk Verbeuren (batterie, Megadeth) et qui vient de sortir son premier album, Army of the Trees. Dirk ne jouera pas en live, sans doute occupé par l’enregistrement du nouveau Megadeth, c’est donc un line up partiellement identifié qui nous fera l’honneur de sa présence ce soir. On citera seulement, sans trop risquer de se tromper, le vocaliste titulaire Poun (Black Bomb A), dont le chant clair fait songer à Mike Patton (Faith No More) et dont la voix hurlée complète l’offre pour fournir une variété de sons bienvenue. Une reprise sympa du Whole Lotta Rosie d’AC/DC et plusieurs apparitions de Chloé Trujillo (née Barthélémy à Paris en 1972 et épouse de Robert Trujillo), chanteuse aux multiples facettes — ici tantôt lyrique, tantôt growleuse — et au jeu de scène sensuel en diable, nous font passer un bon moment.
Cela étant, nous sommes surtout là pour I Am Morbid, drivé par David Vincent (ex-Morbid Angel), qui déclare donc, par le biais du patronyme donné à son groupe, qu’il est Morbid Angel. Dans les faits et au jour d’aujourd’hui, il n’a pas entièrement tort. La tournée actuelle d’I Am Morbid vise à célébrer les trente ans de l’album Domination de Morbid Angel. David avait la possibilité d’interpréter l’album dans son intégralité et d’offrir un petit best of de Morbid Angel en prime, ou de l’interpréter en bonne partie et de servir un gros best of par-dessus. C’est cette seconde option qui a été retenue, ce qui, finalement, n’est pas plus mal. Les extraits de Domination s’enchaînent d’abord sans temps morts : Dominate, Where the Slime Lives, Eyes to See, Ears to Hear, avant lequel David nous fait un petit speech en rapport avec la thématique abordée par ce titre, à savoir l’importance de penser par soi-même en fonction de ce que nous observons grâce à nos sens, puis digresse vers les dangers de l’IA et les diktats de l’industrie musicale et de la société visant à nous imposer nos goûts musicaux, pour conclure en déclarant que nous, les metalleux, sommes des « vrais » qui n’écoutons que nos préférences profondes et faisons vivre les œuvres des musiciens à travers le temps, les rendant éternelles. En résumé, un discours classique, à la fois juste et très cliché. Côté best of, citons, dans le désordre et de façon non exhaustive, Immortal Rites, Chapel of Ghouls, Blessed Are the Sick ou encore Rapture. Ainsi, vous l’aurez compris, hormis un léger accent mis sur Domination, nous avons eu droit à un bon concert de Morbid Angel, alors que les détenteurs légaux du patronyme errent quelque part dans les limbes depuis un bon bout de temps.
Ces deux jours de festival, trois si l’on inclut le Heilung Day, nous laisseront un excellent souvenir de l’été 2025, et nous sommes d’ores et déjà persuadés que le South of Heaven Open Air se hissera très vite au rang des événements métalliques annuels incontournables. Merci aux organisateurs de nous y avoir aimablement accueillis !