Blackbraid, Lamp of Murmuur, Dödsrit
Kulturfabrik Kofmehl, Soleure (CH)
Date 18 octobre 2024
Chroniqueur Nathan Bonzon
Photographe Nathan Bonzon
https://kofmehl.net

Nous sommes le 18 octobre, il est vendredi après-midi et je prends le train jusqu’à Soleure, en Suisse allemande, pour assister à la tournée européenne tant attendue de Blackbraid. Durant le trajet, je profite du temps qu’il me reste pour écouter davantage Dödsrit et Lamp of Murmuur, les groupes d’ouvertures avec qui je n’étais pas familier jusqu’à l’annonce de cette tournée. Après être descendu du train, je longe durant une dizaine de minutes l’Aar, un charmant fleuve au bord duquel la ville s’est construite. Les diverses battle vests et autres pulls de black metal me servent de guide jusqu’à la salle, la fameuse Kofmehl, installée dans un ancien bâtiment industriel remis à neuf. Le temps d’entrer, m’acheter du merch et découvrir la salle, les concerts vont tout bientôt commencer.

Le premier groupe à fouler les planches ce soir est Dödsrit. Originaire de Borlänge en Suède, le quartet propose un mix de crust et de black metal, penchant davantage sur le black mélodique pour ce qui concerne leur dernier album (Nocturnal Will, sorti en 2024 chez Wolves of Hades). Le show commence doucement avec Irjala et ses riffs entraînants avant de passer aux blast beats et aux cris stridents de Christoffer Öster. Ce dernier, également guitariste, partage le département vocal avec Georgios Maxouris, aussi guitariste. Leurs morceaux ne comportent cependant que peu de paroles, laissant place aux riffs trémolo mélodieux et lancinants, ce qui permet d’instaurer une atmosphère magique. Bien qu’ils n’aient joué que cinq morceaux, ceux-ci font entre sept et dix minutes, ce qui contrebalance la brièveté du set. Celui-ci se termine d’ailleurs par Apathetic Tongues, qui comporte une ambiance un peu sludge se mariant parfaitement avec leur black métal lent et mélancolique. Ce fut bien trop court, j’espère avoir l’opportunité de les revoir bientôt !

On reste dans le black metal avec Lamp of Murmuur, un projet solo américain, actif depuis 2019 et orchestré par le mystérieux M. Contrairement au groupe précédent qui était vêtu « normalement », les membres de Lamp of Murmuur portent des capes, sont barbouillés de corpse paints et armés de gantelets à pics : le black metal à l’état pur. Leur accoutrement, combiné aux lumières de la scène, donne une ambiance très esthétique au concert, je dirais même vampirique. Durant cette tournée, M. (qui chante et joue de la guitare) est accompagné par les membres de Dödsrit. La musique de Lamp of Murmuur est cependant moins atmosphérique que celle des Suédois. En effet, on a ici affaire à un black metal assez raw, relevant presque du black’n’roll par moments. J’ai été grandement surpris par un solo de guitare plutôt shreddy sur le dernier morceau du set, Deformed Erotic Visage, tiré de l’EP de 2021 Submission and Slavery. Ce groupe fut une très bonne découverte. Des bons riffs et des visuels intéressants, tout ce que j’aime !

Alors que la salle se remplit de plus en plus et que l’on sent l’excitation monter, il est temps pour Blackbraid de faire son show. Avec deux albums à son compteur (Blackbraid I en 2022 et Blackbraid II en 2023), le groupe a vécu une montée en popularité stratosphérique depuis sa création. Il s’agit d’un projet solo de black mélodique/atmosphérique formé en 2022 par le multi instrumentaliste Sgah’gahsowáh (de son vrai nom Jon. S. Krieger), adoptant les thèmes et l’esthétique des civilisations amérindiennes. La scène, décorée avec des peaux et des crânes d’animaux, reflète ainsi les inspirations du groupe. On troque également le corpse paint pour les peintures de guerre des natifs américains. Le set commence avec The Spirit Returns, qui part sur les chapeaux de roues. Le public, tout comme les musiciens sur scène, est à fond, je repère déjà quelques furieux headbangers. Le morceau suivant, The Wolf That Guides the Hunters Hand, m’a tout bonnement époustouflé. Des riffs trémolo à volonté, une batterie qui blast et les cris du chanteur rendent le tout tellement énergique ! J’ai dû m’arrêter de prendre des photos pour profiter pleinement du moment. Le set continue avec d’autres titres tout aussi magnifiques, tel As The Creek Flows Softly By, un interlude instrumental (et acoustique) durant lequel Sgah’gahsowáh joue de la flûte traditionnelle amérindienne. Ce dernier passa très proche du public avec un fagot d’encens, renforçant l’atmosphère magique et rituelle du concert, ce fut captivant. Un autre moment fort de la soirée fut The River of Time Flows Through Me (mon morceau préféré), que j’ai découvert il y a un an et demi, complètement par hasard. Celui-ci m’avait vraiment marqué, ce fut donc une fabuleuse expérience de le vivre en live.

En somme, cette soirée fut vraiment magique. Les trois groupes, bien qu’ils résident tous dans le vaste domaine du black metal, proposent chacun une variante bien à soi de ce style, que ce soit le crust-black atmosphérique de Dödsrit, le black’n’roll de Lamp of Murmuur ou le black mélodique et ultra énergique de Blackbraid. Techniquement parlant, la salle est vraiment bien. On entendait extrêmement bien les guitares, le mixage était clair et adapté à ce genre de musique. J’espère sincèrement recroiser ces groupes un jour en Europe, que ce soit en festival ou en salle, et me réjouis de retourner à la Kofmehl dans le futur. Longue vie au black mélodique !