Accept, Phil Campbell and the Bastard Sons
Le Transbordeur, Lyon (FR)
Date 29 octobre 2024
Chroniqueur Ségolène Cugnod
Photographe Jean-Yves Cluze
https://www.transbordeur.fr/

La première de ces trois dates de la tournée nous conduit au Transbordeur, mythique salle de l’agglomération lyonnaise où les deux groupes posent leurs valises pour la soirée du 29 octobre. À peine arrivés, un premier constat s’impose : il y a un sacré paquet de monde ! Si l’on ne peut que se réjouir d’un tel succès, le fait est que naviguer dans la foule risque bien de se révéler un peu compliqué ce soir…

Le grand classique Immigrant Song de Led Zeppelin fait office d’ouverture au set de Phil Campbell and the Bastard Sons, suivie de près par l’ouverture aussi classique We’re the Bastards, idéal pour faire les présentations et dont le public reprend déjà le refrain en chœur, décidément aussi en forme que les musiciens. En parlant de musiciens, ceux dont le groupe tire la seconde moitié de son nom, a.k.a les fils Campbell, ils assurent à eux seuls bien plus de la moitié du show. Des trois frangins, Dane, le batteur, est sans conteste celui qui se donne le plus à fond, suivi de près par Todd et ses grimaces, qui ne démérite pas non plus à la guitare lorsque vient pour lui le moment de démontrer son héritage guitaristique ; Tyla, de son côté, assure autant aux chœurs qu’à la basse. À l’inverse, le paternel Phil semble quant à lui plutôt en retrait dans une zone d’ombre du côté gauche de la scène et derrière ses enfants, mais surtout derrière le cinquième membre de la famille des Bastards, le chanteur Joel Peters. Muni de sa voix aux accents power metal et de ses lunettes de soleil de rock star, le chanteur mène le show de manière au moins aussi flamboyante que ses cheveux d’or flottant au ventilateur, courant partout et multipliant les traits d’humour aux moments d’annoncer les morceaux. Parmi eux, hormis les reprises les plus attendues de Motörhead — « Going to Brazil ! », comme le crie un spectateur — l’on compte quelques extraits du dernier album en date, Schizophrenia, de même qu’un titre extrait de la carrière en solo de Phil Campbell, Straight Up, dont ce dernier rappelle qu’il l’a co-écrite avec Rob Halford lors d’un des rares moments où il s’adresse au public et jouée en l’honneur du chanteur de Judas Priest.  Connaissant pour ma part mal le personnage, j’avoue avoir du mal à saisir si son apparente nonchalance confinant à la désinvolture — l’homme passant tout le set à mâcher du chewing-gum — dissimule, ou non, une absence de motivation… S’ensuit Born to Raise Hell, sur lequel Joel Peters sépare le public en deux équipes, la « team Phil » d’un côté et la « team Todd » de l’autre, qu’il met chacune au défi de crier le titre plus fort que l’autre… « That was fucking shit », répond-il ensuite aux deux sur un ton gentiment moqueur, logeant ainsi tout le monde à la même enseigne ! Enfin, le groupe conclut ce show familial dans tous les sens du terme par Strike the Match, en hommage à feu Lemmy Killmister dont le public scande le nom, puis Killed by Death.

L’attente monte dans le Transbordeur, face à une scène décorée de ferrailles et rouages mobiles façon steampunk et à l’effigie de l’album donnant son nom à la tournée Humanoid, alors que la tête d’affiche du soir tarde à se montrer. C’est finalement sous les encouragements fort sonores d’un public déjà bien échauffé par la première partie qu’Accept fait son entrée en scène pour jouer deux extraits de son dernier album ; d’abord The Reckoning, puis le morceau homonyme. Le premier nous offre d’emblée un grand moment de talent guitaristique de la part de Wolf Hoffmann, le second une sympathique mise en avant de la jolie voix du bassiste Martin Motnik aux chœurs. Le groupe ne perd pas de temps et enchaîne par un retour dans le passé, en 1982 plus précisément, avec Restless and Wild. De tout évidence, Accept apporte le plus grand soin à sa setlist et au rythme de cette dernière, les premiers morceaux s’enchaînant sans temps mort, tout en comprenant leur petit lot d’interactions avec le public, comme lorsque les musiciens, grands sourires solaires sur les visages, invitent les spectateurs à taper dans leurs mains au début du quatrième titre, London Leatherboys ; puis, plus tard, sur Southside of Hell. Lors de ces moments d’échange, le chanteur Mark Tornillo s’adresse à nous avec la même voix éraillée que lorsqu’il chante, donnant ainsi l’impression qu’il reste habité par son rôle jusqu’au bout des cordes vocales. Bien qu’intégré aux rangs du groupe en 2009, sur le tard, il n’en demeure pas moins un vétéran du genre heavy metal, et il y a quelque chose de touchant chez cet homme aux cheveux d’argent qui s’amuse comme un fou sur scène du haut de sa petite taille qui lui donne l’allure d’un lutin… Wolf Hoffmann se fait quant à lui co-meneur du show, armé pour cela de ses talents de guitariste, de son expressivité exacerbée et surtout de son expérience de membre fondateur.

Pour un groupe possédant une discographie aussi large que celle d’Accept, 90 minutes de set peuvent paraître une durée assez faible. Toutefois, elle suffit largement au groupe pour explorer quelques variations de tempo et d’époques, et aux spectateurs pour ne pas tomber de fatigue ! Le rythme soutenu du début du set se voit ponctué de quelques mid-tempos pour relâcher la pression, tels le déjà cité Humanoid ou Midnight Mover, en alternance avec d’autre plus rapides tel Breaker. Nous avons aussi droit à de jolis moments d’harmonie de la part des six musiciens, plus particulièrement des guitaristes ; des trois, Uwe Lulis se fait le plus discret, hormis lorsqu’il vient se joindre à Wolf Hoffmann pour un dialogue de cordes sur le medley de milieu de set. Un peu plus tard, histoire d’ajouter un peu de théâtralité à un show qui n’en manque pas, Mark Tornillo brandit un drapeau durant les passages instrumentaux de Shadow Soldiers ; un moment de spectacle fort sympathique malheureusement peu visible dans la fumée et la brume des spotlights. Comme l’on pouvait s’y attendre, les meilleurs moments d’harmonie collective se produisent sur la fin du set, pendant les morceaux les plus attendus ; d’abord avec le public lorsque celui-ci entonne la célébrissime reprise de Für Elise incluse dans Metal Heart, incontournable des concerts d’Accept, puis entre les trois guitaristes réunis à l’avant de la scène sur la fin de Pandemic et le premier des trois rappels, Fast as a Shark. Enfin, c’est sur les deux autres rappels classiques parmi les classiques, le burné Balls to the Walls et le rebelle I’m a Rebel, que vient le temps des au revoir, jamais dans les larmes, toujours dans la joie…

En cette soirée d’avant-veille d’Halloween, les deux pointures du hard rock/heavy metal de la vieille école que sont Phil Campbell and the Bastards Sons et Accept ont livré au public du Transbordeur, rassemblé pour eux, un show à leur image : classique et sans fioritures, au fil certes déjà bien déroulé, mais surtout réconfortant en cette période où les nuits se font longues et les températures chutent, montrant ainsi qu’ils ont toujours beaucoup à offrir. Merci à eux pour cela, à Sounds Like Hell Productions pour les accréditations, et sûrement à bientôt.