Fallen Sanctuary
Terranova
Genre Power Metal
Pays Autriche
Label AFM Records
Date de sortie 24/06/2022

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L’univers du Power Metal regroupe certains des mélomanes les plus talentueux, des instrumentistes virtuoses aux vocalistes à la tessiture large. Ainsi, lorsque deux représentants de l’une et de l’autre catégorie se rencontrent, il y a fort à parier sur le résultat de leur collaboration. Fallen Sanctuary compte parmi les récentes illustrations de ce cas de figure. Né en 2021 de la rencontre de l’Italien Marco Pastorino, guitariste de Temperance entre autres multiples projets, et de l’Autrichien Georg Neuhauser, que l’on ne présente plus comme chanteur de Serenity, rejoints par la suite par Gabriele Gozzi (basse) et Alfonso Mocerino (batterie), le groupe signe chez AFM Records et sort en juin de cette année son premier album. Intitulé Terranova, il rassemble, selon les déclarations de Georg Neuhauser, des influences diverses et variées qui, unies, créent un son à l’identité distincte. Avec de telles promesses en vue, difficile de résister à la tentation d’aller vérifier leur bon fondement…

À l’évocation du genre Power Metal, la vitesse d’exécution et l’énergie qui s’en dégage comptent parmi les premières réponses à venir en tête à de nombreux auditeurs. À ces derniers, Fallen Sanctuary donne raison dès l’ouverture éponyme de Terranova. Et quelle énergie dans cette entrée en matière ! Forte de son dynamisme, de ses mélodies catchy et d’un refrain entraînant, qui ne sont pas sans rappeler Sonata Arctica à ses débuts, elle constitue non moins qu’une porte d’entrée idéale vers l’univers du groupe italo-autrichien et rassure quant à la capacité de ce dernier à respecter les codes fondamentaux du genre. De même, elle donne à Marco Pastorino une première occasion de démontrer ses talents de guitariste, aussi bien au travers desdites mélodies que d’un indispensable solo. Quelques pistes plus tard, re-belote avec Destiny, qui conclut la première moitié de l’album en rendant hommage à Edguy par sa rythmique, l’écriture de ses riffs et ses envolées vocales à la Tobias Sammet ; futur classique à n’en pas douter. Et que dire de Trail of Destruction et de son solo néoclassique ! Le talent est là, c’est une certitude.

En dehors de ces influences ancrées dans le Power Metal européen, Fallen Sanctuary revendique des influences issues des vagues Hard Rock et AOR des 80’s. Une fois encore, l’affirmation se vérifie très vite ; à vrai dire, dès le premier single Broken Dreams. Ceux l’ayant écouté avant la sortie de l’album pourraient d’ailleurs bien se mettre à fredonner son refrain et à danser à l’évocation du seul titre… Les autres refrains de Terranova suivent d’ailleurs le même modèle que celui-ci, constitué d’une mélodie conçue pour rester en tête et de plusieurs couches de voix assurées par Georg Neuhauser et Marco Pastorino. Ces deux derniers forment un duo de voix joliment complémentaires, l’une grave et calme, l’autre un peu plus haute et criarde. Le troisième single, Now and Forever, dévoile quant à lui des influences progressives, proches de Dream Theater pour ne citer que la plus évidente.

En plus de l’aspect épique et de la diversité de ses influences, Terranova comporte aussi son lot de moments sombres. Par exemple, le duo guitare/orgue suivi d’un solo de guitare au ton lourd sur Rise Against the World — également présent dans Destiny, mais s’y faisant bien moins prégnant —, ou bien Georg Neuhauser et Marco Pastorino prenant un plaisir évident à moduler leurs voix à l’excès sur un Broken Dreams dont le titre traduit le pessimisme. Ce ton dramatique s’accorde avec la gravité de certains des sujets que le groupe choisit d’aborder au travers de sa musique et de ses textes. Peut-être du fait de s’être formé récemment, Fallen Sanctuary inscrit sa démarche dans le traitement de thématiques très actuelles, qui parleront davantage aux esprits cartésiens qu’aux rêveurs cherchant dans le Power Metal une source d’évasion. Ainsi, derrière son apparente légèreté et ses mélodies épiques, Terranova, la chanson, traite sous un angle fantastique et métaphorique des ravages causés par l’addiction aux drogues ; métaphore ensuite explicitée fort peu subtilement par une voix enregistrée en fin de morceau, ne laissant alors plus loisir aux auditeurs de laisser libre cours à leur interprétation, seul défaut de ce titre très réussi par ailleurs… De la même façon, Rise Against the World et No Rebirth, selon Georg Neuhauser, mettent tous deux en garde contre la destruction de l’environnement. Le second a, cependant, contre lui le fait de s’inscrire dans une partie finale d’album à l’inspiration moins présente et au rythme quelque peu essoufflé, deux éléments qui se font ressentir dans le refrain, peu accrocheur, ainsi que dans la structure rythmique. Il en est de même pour le pénultième morceau, Bound to Our Legacy.

Bien que la présence de thématiques si terre à terre laisse présager une ambiance morose, Fallen Sanctuary n’oublie toutefois pas ce qui constitue un autre des fondamentaux du Power Metal : à savoir, toucher les cœurs et amener les sourires sur les lèvres. Cela passe, bien sûr et avant tout, par des morceaux dont l’instrumentation comme les textes véhiculent l’espoir et l’optimisme. Le cinquième morceau, To the Top, est probablement celui qui remplit le mieux cette mission, fort d’une musicalité, d’une énergie positive et d’un duo Georg/Marco rappelant un bon vieux Scorpions ainsi que de son message antiviolence, essentiel en temps de crise. Fallen Sanctuary n’oublie pas de faire bon usage des capacités de l’acoustique à générer de l’émotion, qu’il exploite au travers de deux morceaux. I Can’t Stay, ballade de mi-album un rien mélancolique, rend hommage au romantisme pour lequel est en partie connu Serenity, groupe principal du frontman, en mettant la voix de ce dernier au premier plan. Georg Neuhauser possède une large tessiture et en fait profiter son audience au travers d’une performance tout en nuances, des plus contenues sur les couplets aux envolées haut perchées, presque féminines, sur le refrain. L’Autrichien impressionne, autant par sa maîtrise technique que par sa capacité à émouvoir. Enfin, Wait for Me se paie une ambiance chaleureuse de feu de camp dans la nature, pour une conclusion à la touche onirique…

Formé de quatre musiciens de talent, à l’initiative de deux grands noms du Power Metal européen, Fallen Sanctuary avait déjà tous les atouts en main pour prendre un bon départ dans sa jeune vie. Avec la sortie de Terranova, cette idée devient certitude. Au travers de ce premier album, le quatuor rassemble ses meilleurs efforts et tire le meilleur de ses influences multiples pour se forger une identité qui lui est propre. Chacun des onze titres possède sa marque qui le distingue et, réunis, tous forment un ensemble très cohérent dans son agencement comme dans les structures individuelles. Malgré une deuxième moitié un peu en dessous de la première, le tout donne comme résultat un album aussi brillamment écrit qu’interprété, qui appose sa marque dans le Power Metal moderne par sa musicalité et les thématiques dont il traite. Que demander de plus, hormis d’autres titres dans la même lignée ? Cette réponse pourrait bien se concrétiser plus tôt qu’on ne l’imagine, un deuxième album étant déjà prêt à être enregistré selon les déclarations de Georg Neuhauser. Une affaire à suivre de très près…