Ma première question concerne l’interprétation intégrale de l’album Triumph and Agony (1987), qui passe bientôt le cap de ses trente-cinq ans. Comment t’est venue l’idée d’en réaliser un enregistrement live ?

Il y a quelques années, j’ai revu mon ancien guitariste Tommy Bolan. On est toujours restés bons amis ; quand on était en tournée aux Etats-Unis, il était toujours invité. Bref, un jour je l’ai appelé : « Tommy, tu te rends compte que Triumph and Agony a presque trente ans » ? Il m’a répondu « Oh ! mon Dieu, j’ai l’impression que c’était hier… » et j’ai dit « Et si on fêtait ça et qu’on jouait l’album en entier ? ». Et lui : « Oh, ça fait trente ans que j’attends ton coup de fil pour me demander ça ». Donc nous avons répété. Puis on a tourné en Espagne et aux Etats-Unis, on a joué dans des festivals, comme le Graspop en Belgique et le Sweden Rock, où c’était la première fois qu’on le jouait dans son intégralité. Puis j’ai planché sur un best-of, Magic Diamonds, et je voulais passer en revue tous les enregistrements de ma vie et certaines chansons que je pensais pouvoir réarranger et réenregistrer. Au début, je me suis dit : « Faisons peut-être mes quinze chansons préférées », puis au final ce n’était pas quinze, mais cinquante-six chansons, parmi lesquelles des tas de titres ou de versions jamais entendus avant. Notamment Make Time for Love, lors de notre tournée en Espagne. On a sorti Magic Diamonds en novembre dernier et cette année on pensait repartir en tournée, mais ça n’a pas pu se faire à cause de la situation sanitaire. J’ai donc décidé de retourner en studio pour voir ce que nous pouvions faire de tous les enregistrements live et du tournage de notre prestation au Sweden Rock. L’équipe technique du festival comprend toujours des caméramen de premier ordre. Il y avait dix caméras et chaque instrument avait son propre microphone. Mais tu sais, il y a toujours des retours ou des câbles défectueux, donc nous avons dû refaire quelques petites choses. Puis la vidéo était si bien que j’ai pensé sortir un album, un Blu-ray et un coffret avec des figurines, des cassettes, des patches et tous ces trucs old-school. Finalement on l’a sorti le 24 septembre, mais ce n’était pas prévu (ndlr : l’original est sorti le 29 septembre 1987). Je pense que l’album live et le Blu-ray ont un son et un look d’enfer et j’espère vraiment que les fans vont adorer…

En écoutant ce concert, je me rends compte de l’énergie dégagée par votre prestation, grâce, notamment, à ta façon très dure de chanter, par exemple sur Three Minute Warning. On sent bien que le fait de réinterpréter tous ces titres représentait quelque chose de spécial…

Totalement ! C’était une joie de jouer les chansons comme Make Time for Love pour la première fois. Je pense aussi à Kiss of Death, Three Minute Warning et Cold, Cold World. On n’a pas joué ces chansons depuis au moins trente ans. Je garde les meilleurs souvenirs de l’époque de Triumph and Agony. C’était l’apogée du Metal. On l’a sorti en 87 avant de partir en tournée en Europe avec le légendaire Ronnie James Dio, puis en Amérique avec Megadeth. MTV diffusait tous les clips de Metal, nous étions en rotation intensive. C’était l’époque du Headbanger’s Ball que j’ai d’ailleurs animé quelques fois. On a eu quelques invités sur le disque original ; par exemple, sur Touch of Evil, le légendaire Cozy Powell joue de la batterie. Et les chansons étaient totalement intemporelles.

Est-ce que tu penses que la présence de Tommy sur scène à tes côtés, comme au bon vieux temps, apporte aussi plus d’énergie dans le groupe ?

Oui, absolument. Quand je regarde Tommy, il sait exactement ce que je veux dire. Et il joue exactement les mêmes solos que sur la version studio, ce à quoi je n’étais plus habituée. Car tous les guitaristes ont leur touche personnelle et jouent comme ils le sentent. Avec trois guitaristes dans le groupe, c’était comme un mur de son.

Penses-tu que certains de ces titres pourraient réintégrer ta future setlist ?

Oui, absolument. On a déjà intégré Three Minute Warning. Il y a deux jours, on était en tête d’affiche en Angleterre. On a joué tout Triumph and Agony et, bien sûr, tous les meilleurs titres, des débuts de Warlock à mon dernier album en date, Forever Warriors, Forever United. On joue généralement tout ce qui sonne Metal. Triumph and Agony semble s’intégrer dans n’importe quelle setlist. Je pense que chaque chanson est spéciale, comme par exemple Metal Tango ; un enchevêtrement de tango avec des guitares métalliques, c’était totalement nouveau et différent. Für Immer est ma toute première chanson en allemand, anglais avec une petite phrase en espagnol, et quand je la joue, quel que soit le pays, les gens chantent avec nous. C’est très intense, ça vous touche immédiatement le cœur et l’âme, et, parfois, dans les premiers rangs, je vois des gens qui ont les larmes aux yeux.

À propos du live, je sais que vous avez joué dans beaucoup de festivals en Allemagne durant la période du covid, ce que vous appelez habituellement un beach chair festivals. Etait-ce une bonne expérience et comment te sens-tu maintenant que les concerts habituels reprennent ?

Bien sûr, il n’y a aucune comparaison possible avec un « vrai » spectacle où les gens sont présents : vous pouvez les voir, les sentir, vous pouvez sentir leur sueur, vous pouvez les entendre chanter aussi fort qu’ils le peuvent. Mais on était heureux de pouvoir faire quelque chose, tout était mieux que de ne rien faire. En plus, les gens pouvaient s’asseoir sur leur chaise de plage, boire de la bière, faire du headbanging, chanter et danser, tout ce qu’ils voulaient. C’était plutôt cool. Et c’était vraiment un bon entraînement. Tu devais travailler dix fois plus dur pour atteindre les gens, pour qu’ils soient excités, mais au final je pense que tout le monde a passé un bon moment. On a aussi fait des shows de drive-in, c’était cool aussi. Ça m’a rappelé notre vidéo d’All We Are

Et là, tu repars en tournée. Je crois que des dates sont prévues dans nos contrées francophones…

Oui, nous serons à Anvers le 11 novembre, en Suisse le 15 et à Paris le 16. J’espère que tout se passera bien avec toutes ces restrictions en matière de voyage. On a eu du mal à quitter l’Angleterre, je suis rentrée hier et j’espère que tout ira pour le mieux.

Je ne sais pas si c’est une bonne idée de révéler des détails parce que c’est peut-être plus sympa de garder la surprise pour quand on viendra te voir. Mais la setlist s’articulera-t-elle autour de Triumph and Agony ? Ou bien ?

Oui, sans aucun doute, et nous allons encore jouer des chansons que nous n’avons jamais jouées auparavant. Peut-être même une nouvelle chanson… Nous travaillons sur un nouvel album qui sortira l’année prochaine. Nous avons six chansons déjà prêtes. Je pense qu’elles sonnent bien. Donc, peut-être que nous allons en jouer une, mais je ne sais pas encore laquelle. En tous cas, on jouera certainement tous les titres phare de Triumph and Agony.

Je posais la question parce que je suis très curieux. Mais d’un autre côté, c’est mieux de venir au concert et de ne rien avoir en tête, pour découvrir ce qui se passe sur le moment…

En fait, en tournée, on ne joue jamais exactement la même setlist deux fois de suite. Des gens nous suivent sur plusieurs dates et ils peuvent toujours être sûrs qu’on a au moins deux ou trois nouvelles chansons ou des chansons différentes dans la setlist d’un soir à l’autre. J’adapte toujours la setlist en fonction des fans : quand je sens qu’ils veulent entendre plus d’hymnes, je mets plus d’hymnes ; si je sens qu’ils veulent plus de trucs old-school, on joue plus de chansons old-school ; s’ils aiment plus le nouveau disque, on joue le nouveau disque.

Et c’est aussi une bonne raison de voyager et de vous suivre sur quelques dates.

Oui, et les gens peuvent toujours réclamer les titres qu’ils veulent entendre. On répète assez bien, et généralement, quand les gens demandent des chansons qu’on n’a pas jouées dans la setlist, il nous est toujours facile de les jouer, et tout le monde est heureux d’entendre exactement ce qu’il veut entendre. Je veux faire en sorte que tout le monde passe une soirée magique à nos concerts !

Merci beaucoup pour cet entretien. J’ai apprécié, vraiment.

Oh, c’était un plaisir, un honneur ! Bye bye, et merci. C’est super cool !