Initiation et migration de l’âme

Chuuuut… Silence dans la salle.
Mon âme se réjouit déjà à la perspective de pousser la porte d’un de mes chouchous de l’avant-garde française, j’ai nommé : Regarde Les Hommes Tomber. Impossible pour moi de m’adonner à l’écriture pour Metal Alliance sans aborder très égoïstement ce groupe que j’affectionne sans me lasser depuis la sortie de Exile en 2015. Je remercie d’ailleurs T.C, le chanteur, de m’avoir accordé du temps pour mettre en lumière cet univers qui pour moi n’a rien de noir ni de brouillon. Bien au contraire ! C’est ce qui me subjugue dans la musique de Regarde Les Hommes Tomber, et c’est bien entendu qu’à travers mon ressenti personnel que je vous emmène en voyage.

Il y a dans leur approche musicale ainsi que dans les harmonies plus progressives et atmosphériques, une nostalgie poignante, une recherche intérieure empreinte de récits mythologiques qui ne se cantonne pas seulement à un BM « Hail Lucifer » cliché. Mais on dirait bien qu’il y a au-delà des notes choisies, un tintement fragile qui interroge l’âme dans sa quête presque vaine de transcendance que valorisent une assise très Doom et des couleurs plus froides. Un tableau de personnages bibliques en somme, mettant en relief l’allégorie de la Chute. A travers le choix originel de Caïn, la faiblesse de l’Homme, la destruction de Babel et l’errance de l’âme, nous entrons ainsi dans la nuit noire de celle-ci et dans la voie du porteur de lumière, celui qui a projeté l’ombre en se détournant du Père et poussé l’humanité à lutter pour regagner sa demeure.

Ici alors se retrouvent plusieurs figures bien connues de notre histoire. Une histoire qui prend forme en 2013 avec la sortie du 1er volet éponyme chez les Acteurs de l’ombre Productions, Regarde Les Hommes Tomber. Le style du groupe a su ravir rapidement la scène internationale par sa nouveauté, savant mélange de profondeur mélodique, de puissance, de chaleur et de richesse. Empreinte de cette nostalgie de l’Ailleurs si froide, si « romantique » quelque part dans ce visuel typique de la scène française, le triptyque bien connu aujourd’hui des amateurs de son extrême nous invite au voyage solitaire, à comprendre le paradoxe de la psyché humaine de l’ombre à la lumière, et à suivre la chute de l’Homme après sa malédiction.

Simple récit biblique ou recherche d’élévation, j’ai devant moi une vision en somme fataliste d’un idéal paradisiaque devenu intouchable à travers un prisme musical clair-obscur.  Alors êtes-vous prêts ? Entendez-vous son appel ? Entendez-vous l’appel de l’Adversaire en chacun de nous sonner ses armées ?

Acte I

Les chandelles sur des candélabres de fer forgé projettent déjà leurs ombres sur les murs de mon théâtre intérieur prêt à s’animer. Le rideau se lève doucement sur le 1er acte de RLHT alors que le prélude se dévoile à nous comme une sinistre prophétie. Oui, oui, je sais l’imagination sans limite d’une Contralto en errance… enfin presque !

Entourée de toutes ces parts mystiques de moi qui ne demandent qu’à recevoir une infime part du sublime, je n’ai plus qu’à nous poser là, assoiffées du beau, sinon du bon. Marionnettes de glace, poupées de cire ou personae masqués de mes archétypes divins personnels, je plonge toute entière dans la scène qui se déroule devant mes yeux, en quête de compréhension, d’illumination sûrement, mais aussi de quelque chose de toujours plus profond et de toujours plus fugace. Ce pourrait être seulement l’expression artistique comme outil unique de fascination spirituelle ou une soif d’un autre genre, je ne saurais vous le décrire. Pour moi qui aime le Doom, ce premier album pourrait bien être l’expression idéale pour ce voyage initiatique, image irréelle ou musique intérieure très vite captée quand elle se présente pour ne pas la perdre. Un rêve à jamais fixé sur un support, comme seule preuve de nos existences futiles, des plans sonores divins à l’image de notre exile. Vous saisissez ? Bon, j’arrête ici le drama lyrique.

RLHT nous emmène donc dans une épopée biblique à travers une production aboutie « d’après la chute ». L’exilé en nous cherche l’absolution mais ne trouve ici que néant et ravage. Wanderer of eternity a ouvert la voie avec ses riffs accrocheurs qui d’ailleurs se rappelleront à notre mémoire dans The Fall, titre qui clôturera la fin de ce premier opus avec la destruction de Babel. Mélodies uniques, riffs inoubliables et rythmes lancinants, A thousand years of servitude marque mon écoute de cette fatalité si typique du Funeral Doom. Plus rares sont les blasts de furieux ici mais appréciés quand ils se présentent à mon oreille. Il est question ici d’un peu plus d’intériorité.

Rébellion, meurtre et chute, le vagabond nous entraîne sur sa route, luttant éternellement pour retrouver la grâce. The Fall ferme donc le bal sur le même thème musical que l’on trouve dans Wanderer. Une riche idée, s’il en est. L’Alpha et l’Oméga en somme. « Face à l’abysse infernal, écoute les diables tomber, Regarde Les Hommes Tomber ».

Le rideau tombe sur une satisfaction, un sentiment de complétude. La boucle semble se boucler. Du moins pour un temps seulement.

Acte II

Un agneau parmi les loups.
Nouveau décor sur les ruines de Babel. Un autel s’est dressé là, abimé, intemporel et déjà rouge. Mais que suis-je sensée offrir en sacrifice que je n’ai pas déjà perdu de moi-même, moi, auditrice et spectatrice de l’indicible et de l’invisible ? A sheep among the wolves me cloue sur place telle la Mère ramassant le corps froid du Fils. Je vous renvoie là au texte liturgique du Stabat Mater. Les plans sonores me traversent comme la foudre, tour à tour Doom et Black. Ça y est, je suis rentrée de plein fouet dans Exile comme un sanglot, un cri entrecoupé de prières et de murmures. Alors je m’interroge sur la notion de sacrifice offert au Père. Qui est encore capable de rendre son dernier souffle pour racheter mes fautes, nos fautes ? Aurais-je mal prié moi aussi ?

Au comble de mon hébétude, Embrace the flame emporte tout dans ma tempête intérieure : blasts mis en relief par cette guitare lancinante qui surplombe la tornade comme un rai de lumière qui traverse la lucarne d’une petite chapelle. « A sinister lullaby » ? Oui… L’Ange est bien là à promettre le salut à celui qui aura compris le chemin de la conscience. L’Ange oui, mais lequel ? Qui a allumé mon feu intérieur ? Qui fait le lien avec la conscience du Père en moi ? Alors !! Je fais le lien aussi avec ce fabuleux concert Major Arcana, donné à Paris et diffusé sur Arte. Un concert à l’initiation à la voie du Tarot. Je fais le lien avec les textes que je relis encore et encore. Fiat Lux !! Il ne peut point y avoir de cheminement sur la voie de la conscience sans s’initier soi-même à l’ombre. « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les Dieux » a dit Socrate. Alors je continue ma route, sans plus fuir mon exile personnel. Je finirai sûrement par en comprendre tous les enjeux. Tôt ou tard.

Au milieu de l’album, To take us annonce bel et bien l’évolution musicale du groupe vers un BM plus assumé, plus moderne aussi. Ah la voilà, Sodome ! Misère, débauche, luxure, souffre… Sodome la grande, Sodome la jugée, Sodome la punie. Happée par ce miroir, je regarde un peu plus en dedans et je détourne le regard. Ça manque de goût un peu là, vous ne trouvez pas ? Sommes-nous tous capables de voir en face ces parts immondes de nous sans nous y noyer tel un hymne salace à l’ennui de nous-même ? Repentir, combat intérieur. Aux côtés de mon moi presque vaincu à ce stade de l’opus, ces multiples voix dans Thou shall lie down me terrassent et me déchirent. Ah ça y’est ! Mes archétypes divins s’y mettent eux aussi à me juger, me jauger et à me passer au scanner, moi petite agnelle mais non moins éternelle pécheresse avide de cet amour de l’Ailleurs. Pécheresse impénitente, tu rejoindras la terre comme toutes les âmes tourmentées qui se sont détournées de moi !  Je les entendrais presque entonner leur « Miserere » plaintif au pied de l’autel. Non mais, vous y croyez, sérieusement ?! Silence, vous aussi !

Ici, les riffs sont lourds, les tempi syncopés et les mélodies sonnent comme un glas, comme l’assurance fatale d’être jetée à bas, punie moi aussi de refuser de courber l’échine. Mais au nom de quoi ? De qui ? En réalité, plus le spectacle d’Exile avance, plus il soulève de questions. Tout va bien, mes Dark worshippers ? Vous n’avez pas encore sombré dans l’abîme, vous aussi ? Alors je m’interroge encore, moi qui ai offert ma voix à ce qui semble être l’énergie, la vibration la plus haute… Mais si je tombe moi aussi ? Si je cède à la rébellion symbolique ? Si je me détourne à mon tour du Père en moi, du souverain en moi ? Que restera-t-il de mon essence ? Me consumerai-je à mon tour comme les damnés qui marchent dans leur vérité occulte vers le trône de l’Eden pour lutter contre la tyrannie ?

Je suis bouche bée. The incandescent March illustre parfaitement cela. 11 minutes de remise en question d’un ordre divin, comme un enfant qui se soulève face à l’autorité. Mais n’est-ce pas finalement qu’une énième farce de mon théâtre intérieur ? Que reste-t-il de toutes mes petites parts après le passage des armées infernales ? Ai-je encore après coup, l’illusion d’avoir vaincu le Maitre ou est-ce encore un vilain tour de passe-passe de l’Adversaire ? Qui alors s’est assis là, sur le trône céleste ? Un Doom bien funeste sur un décor réduit en poussière. Puis un dernier interlude, un soubresaut dans ces 11 minutes de Post Black apocalyptique qui dévoile ses plans de bataille… Je ne vous raconte pas la promesse qui m’est faite là pour la suite de l’histoire !

Rideau. Sauf que cette fois, il n’est plus aussi intact qu’au début du spectacle…

Dernier acte

S’il y a un rachat de tous les péchés, de toutes les colères, alors je devrais déjà commencer par regarder ce que j’ai laissé derrière moi… Ah, je vous assure, mes dark worshippers, que le tableau n’est pas joli joli… Mais où les musiciens de RLHT m’ont-ils emmenée, nom de Zeus ? Ça fume, ça hurle, ça saigne. Ascension est le dernier volet qui clôture ce triptyque cher à mon cœur. Une production polie comme un bijou signé chez Season of Mist. Les sons sont plus clairs, plus lisses, plus propres et surtout plus proches d’un BM plus traditionnel, je dirais. Il marquerait presque moins mon esprit. Et pourtant, Ascension se démarque du récit historique en ce sens qu’il relate une suite possible à l’épopée biblique. Ici le Père ne se montre plus doux et bienveillant. Il ne joue plus aux échecs. Il « mat ». C’est certain, si les choses avaient été écrites différemment, quelle image aurions-nous de Lui, de ses armées et du combat céleste en nous. Le verrions-nous comme une figure manichéenne ? Miséricordieuse ou vengeresse ? C’est là tout l’intérêt de cet album. Néanmoins, peut-être est-ce là le signe qu’une dernière part de moi attend pour s’élever un peu plus, histoire de voir l’étendue des dégâts. Un peu plus de lumière peut-être ? De hauteur ? Je ne sais plus.

J’avais espéré voir une happy end, zut. A new Order vient d’asseoir le règne de l’ombre avec les harmonies inimitables de cette musique : tempi alternés, accords simples et efficaces, atmosphères entêtantes. The Crowning a définitivement ouvert la voie à Son culte comme un poison distillé à toutes les âmes perdues. Doute, peur, haine, la voix grave de T.C tranche, hurle et résonne comme la désobéissance céleste. Mais dites-moi, mes agneaux, toute désobéissance n’a finalement de sens que si elle mène à la liberté, n’est-il pas ? « La vérité vous libèrera » a dit le Fils du Père. De mes ombres à la lumière, je peux encore livrer cette ultime bataille même si La Tentation est grande et me laisse finalement exsangue. Mais quel titre ! Un pur BM atmosphérique en langue de Molière ! Ultime combat avant la fin du spectacle. Celui qui a envie de se frapper Le vaisseau fantôme de Wagner n’a qu’à bien se tenir… Il fallait le voir débarquer l’archange Michael ! Il se devait bien à la fin de cet opus de faire son illustre apparition dans ce dernier combat qui a sacré le mortel vers la chute, vers la fin, vers le déclin des dieux anciens. Et là, voilà. Au Bord du Gouffre. Le plus révélateur des trois albums. Et d’ailleurs… Qui gagne à la fin sur les ruines d’un Ragnarok biblique ?

Toujours dans mon siège de velours, je n’ose pas encore ouvrir les yeux sur ce qui m’entoure. Ma perception du monde aura-t-elle changé dès lors que je me suis abreuvée à la Source de ce spectacle ? Moi qui à l’instar de tous les Hommes, ne me révèle que comme cette marionnette citée plus haut, aux mains froides de ceux qui peuvent et pensent asservir nos esprits. Il ne me reste plus qu’à humblement accepter la tâche qui m’a été assignée, celle de quitter ma forme spirituelle pour faire l’expérience de l’enveloppe charnelle, à jamais loin de l’Eden, à jamais coincée là dans le doute, maintenant que j’ai été initiée moi aussi à l’ouverture de ma propre conscience.

Maintenant que je sais que je ne sais rien.

Harassée, je referme alors les yeux, accompagnée de mes parts mystiques qui ont grandement participé aux scènes et à mon état, médusées, tout comme moi. Et j’écoute les diables tomber, je Regarde Les Hommes Tomber.

Interview

Salut T.C ! C’est un grand plaisir d’échanger avec toi aujourd’hui. Tout d’abord, j’aimerais beaucoup que tu me contes l’univers de RLHT. Comment est-ce né ?

T.C : Alors initialement, je ne suis pas dans la formation de départ, je suis arrivé en 2014 et les premiers concerts que j’ai faits avec le groupe remontent à Novembre 2014. Le premier album avait déjà été fait avant mon arrivée. Alors en effet, les trois albums, le 1er éponyme, Exile et Ascension sont dédiés au prisme mythologique biblique. Plus particulièrement, les deux premiers sont vraiment inspirés de ça alors qu’Ascension est un album à part entière, une création, une suite imaginaire écrite par notre parolier, Enoch, avec des nouveaux personnages etc…

D’accord ! En effet c’est vrai qu’en étudiant de plus près les textes, je pensais vraiment trouver une forme de Happy end où l’âme trouve sa transcendance mais non !

T.C : Ben si tu veux le topo d’Ascension commence là où Exile termine, là où Lucifer entre au royaume des cieux pour prendre possession du trône divin. Alors, oui, Ascension relate d’une reprise de contrôle des forces célestes. Ici Dieu n’est pas du tout vu comme une figure rassurante. Il reprend le contrôle d’une manière totalement sournoise et punitive finalement pour l’être humain. Donc tu vois, ça ne se termine pas bien mais ça ne se termine pas mal non plus. C’est effectivement la fin de l’humanité au royaume des cieux mais c’est aussi un commencement pour celle-ci. C’est un Ourobouros, un cycle.

C’est vrai, que ça remet franchement en perspective le péché originel. Sans être une punition, c’est nous plonger dans l’éternel recommencement pour une ouverture de conscience. Rechercher par soi-même la transcendance.

T.C : C’est exactement ça, tu as tout résumé.

Alors, et l’après ? Que va-t-il se passer ? Qu’est-ce qu’il nous attend ?

T.C : Ascension clôt une trilogie. Nous ne communiquons pas beaucoup sur la suite car nous aimons l’idée de prendre les gens au dépourvu. Pour le moment, nous sommes au stade de nouvelles compositions mais c’est encore secret. Le défi aujourd’hui, c’est de savoir se réinventer, créer quelque chose d’original tout en restant fidèles à nous-même, au style qui est le nôtre. Quoiqu’il en soit, nous suivrons ce que nous aimons sans jamais être tributaires des modes, c’est le plus important pour nous.

Est-ce que Season of Mist vous soutient dans votre processus de création ou vous avez des deadlines à respecter ?

T.C : Season of Mist n’a aucun parti pris ni de suggestions artistiques. C’est avant tout un énorme support technique et logistique pour nous. C’est évidemment agréable de bosser avec eux. Nous avons eu la chance de débuter avec Les Acteurs de l’Ombre qui est un excellent label, c’est vrai. Ils nous ont vraiment aidés à être propulser et nous gardons d’excellentes relations avec Gérald. Season a été une suite logique.

Ces trois opus, s’écoutent à la suite comme un triptyque. Est-ce un concept qui a été pensé en amont justement dans sa globalité ? Ou est-ce que cela vous est venu au fur et à mesure ?

T.C : Alors, ça parait surprenant mais l’inspiration est venue au fur et à mesure. Nous avons l’habitude de voir à court terme de manière à garder une spontanéité artistique réelle et non maitrisée. C’est là notre part de liberté. C’est vraiment à la suite du premier opus que le groupe a décidé de créer ce triptyque.

C’est ce que je trouve incroyable ici. C’est d’arriver à garder ce fil conducteur et à le dérouler. Comment tu fais le lien entre eux ?

T.C : En fait, l’identité artistique du groupe a été posée de manière très rigoureuse dès le départ que ce soit dans le visuel, l’esthétique ou nos influences musicales. Il n’y a pas eu trop de tâtonnements, nous savions déjà où aller. C’est ce qui nous a aidés finalement, d’avoir déjà défini notre univers graphique avec tout le travail de Gustave Doré, le prisme biblique et ensuite le travail de Fortifem. Je dirai même que le nom Regarde Les Hommes Tomber, a été vraiment inspirant pour les trois albums. Surtout face à la page blanche. Repartir du nom nous a permis de ne pas perdre de vue notre propos : images, thèmes, mélodies et riffs. C’est un mantra qui se répète pour le groupe.

Pour rentrer plus en détail, peux-tu me parler des textes. Comment choisissez-vous l’ordre des chansons ? Les thèmes musicaux récurrents. Comme dans Wanderer of eternity, on retrouve ce thème musical aussi dans The fall. L’alpha et l’oméga.

T.C : Oui c’est vrai. C’est notre parolier, Enoch qui écrit les textes. Ici, moi, je n’ai qu’un rôle d’interprète. Mais il est vrai que nous accordons une attention particulière au fait d’avoir une suite logique, d’être cohérents et pertinents. Chaque texte est lié aux morceaux et raconte une histoire. C’est totalement complet et narratif. Pour les deux premiers, le thème est resté biblique. Pour Ascension, Enoch s’est un peu improvisé démiurge pour créer un nouveau mythe avec toutes les pincettes qu’il faut prendre bien entendu pour ne pas paraitre prétentieux. C’est une interprétation de ce que pourrait être une après-apocalypse.

Symbolique, spiritualité, inspiration. La spiritualité est donc un sujet majeur chez RLHT.

T.C : Totalement. Nous faisons confiance au ressenti de chacun et essayons de faire passer une émotion par ce fil rouge qui est spirituel.

C’est ce qui m’a le plus portée dans ce report, c’est cette notion du sacré car on croit souvent que dans le milieu métal, les gens sont anti-chrétien .., mais ce n’est pas vrai, souvent. Et quand je vous écoute, je peux ressentir ce travail intérieur, cette recherche, cette omniprésence du sacré. Qu’est ce qui t’anime toi à travers votre univers? Comment abordes-tu personnellement cette question ?

T.C : Mais c’est exactement ça. Nous considérons que le sacré et le spirituel sont liés au culte, que nous pouvons avoir une spiritualité, une foi, être relié au sacré sans « croire en Dieu » tel que c’est conçu autour de nous. Alors, c’est vrai que nous touchons forcément là à quelque chose d’intime mais voilà, je crois que c’est possible.

Nous sommes d’accord que la foi et le sacré ne sont pas forcément reliés aux religions du Livre. C’est bien plus que cela.

T.C : C’est ça. A mon sens, un sacré, une foi non institutionnalisée, hors de carcans destructeurs et malsains que pèsent les religions.

Merci pour le moment émotion sacrée. Alors, d’un point de vue plus musical, on sent bien votre évolution. D’un Doom/Black au commencement vers une écriture plus Black « traditionnel », plus lissée. Il y a de moins en moins d’influence sludge. Est-ce voulu ?

T.C : Nous avons vraiment mis un point d’honneur à ne pas se répéter. Relever le défi et proposer quelque chose d’innovant mais qui reste fidèle à notre évolution. Nous souhaitions vraiment nous éloigner de ces sonorités et rythmiques doom très syncopées pour aller vers quelque chose de plus panoramique, si tu veux, et de plus visuel. Pour Exile et Ascension, le but était vraiment d’avoir une fresque sonore. Surtout au casque ! Un panorama d’enfer et de paradis, englobant, terrifiant et éprouvant pour l’auditeur.

C’est complètement ça. Ecrire trois reports à la suite m’a laissée complètement éprouvée et harassée.

T.C : C’est le but ! Happer, faire tomber dans le trou effectivement. Notre style BM se prête à ça.

C’est l’avantage d’un BM plus moderne, à mon sens. Plus mature quelque part où on peut aborder le sacré sans tomber dans les clichés made in Norway. Ce n’est que mon avis bien entendu.

T.C : C’est sûr qu’aujourd’hui on est sorti des clichés 90’s et tant mieux ou tant pis, je n’en sais rien. Pour nous c’est sûr que ce n’est pas notre propos. Alors peut-être qu’effectivement, pas mal de groupes de post BM peuvent avoir un propos plus lissé, c’est vrai, ou peut-être trop gentil. Pour nous, ce n’est pas le but. Nous voulons rester authentiques avec le propos de la foi.

Quels ont été pour vous vos meilleurs concerts, festivals, vos meilleures tournées, etc… ?

T.C : Il y en a eu beaucoup ! Du coup, pour Ascension, il y en a eu très peu… (rires). Par contre, pour Exile, nous avons beaucoup tourné et parcouru l’hexagone. Nous avons fait aussi beaucoup de one shot et de festivals dans les pays frontaliers et en Europe en général. C’est aussi un rêve de quitter le territoire européen, d’aller en Asie et aux Etats-Unis. En tout cas, on l’espère. Dans tous les cas, nous gardons un excellent souvenir de notre tournée avec Der Weg einer Freiheit en 2017. C’était la première fois que nous partions en tournée en tour bus et non en van. C’était un luxe avec des journées assez longues mais plus reposantes en fait, avec plein de moments de partage. C’était vraiment cool parce que 26 dates c’était impressionnant, on avait un peu peur de la fatigue mais finalement plus le temps passait et plus nous avions le feu.

Et comment gères-tu ta voix justement?

T.C : C’est là toute la question. Je fais du chant extrême depuis 12 ans maintenant ; Franchement, je n’ai jamais eu de soucis de fatigue avec ma voix. Je l’ai toujours appréhendé comme un muscle et c’est important de bien chauffer sa voix avant un concert. Eau bouillante avec du gingembre ! Chauffer la voix, mobiliser le diaphragme, dégager la colonne d’air. Tu connais ça par cœur toi aussi. Mais j’ai pas envie d’être détendu sur scène mais plutôt vénère !

Forcément, mon cœur de professeur de chant s’illumine. Tu penses bien que le chant saturé reste pour moi un mystère. Vous avez aussi beaucoup collaboré avec Hangman’s chair. Quels étaient ces projets ?

T.C : C’est Fortifem qui gère notre visuel depuis le début. La marque Redbull leur avait proposé une collaboration dont est né ce concert Major Arcana à Paris. L’idée était de créer des featurings entre groupes avec un visuel autour des arcanes majeurs du Tarot dessinées par Fortifem justement, et trois gros écrans géants. Ce que nous souhaitions pour ce concert, c’était de jouer avec un groupe que nous ne connaissions pas, qui avait une esthétique différente de la nôtre mais compatible. Hangman’s Chair, nous ne les connaissions pas, nous les avions juste croisés. Le feeling est vraiment bien passé entre nous tous, alors c’est clair que nous étions super contents de bosser avec eux. Plutôt que de faire de la création pure et dure, nous avons vraiment répéter comme un seul groupe en jouant nos morceaux respectifs à la sauce de l’un et de l’autre et ça a très bien matchhé.

Tu as un nouveau projet Sang Froid. Tu m’en parles ?

T.C : Alors Sang Froid est un side-project qui a été initié il y a plus d’un an par le guitariste de RLHT avec plein de compos Cold Wave, Goth rock et Post Punk dans un univers très Depeche Mode et Sisters of Mercy. Il m’a proposé le chant et c’est avec grand plaisir que je lui prête ma voix. Je crois que nous avions tous les deux besoin de faire un peu autre choses que du BM car nos influences sont aussi diverses et surprenantes des fois, c’est vrai. Nous jouons aussi avec Ben, notre claviériste. Former un trio est beaucoup plus simple à gérer, crois-moi. Tout va super vite.

Complètement. Je découvre sur cet EP ta voix claire !

T.C : (rires) Alors j’ai commencé le chant par de la chorale pendant 1 an en 2006. Donc j’avais une petite expérience en chant clair et je me suis lancé. Alors ce n’est pas parfait parce que y a toujours un truc qui fait que je ne suis pas un vrai chanteur mais comme c’est un style très punk quelque part, l’essentiel est de chanter avec son âme. Alors, bien sûr, nous avons très envie de pérenniser tout cela mais pour l’instant, nous ne savons pas encore sous quelle forme, EP ou album. Gigi est très inspiré donc il y a potentiellement une douzaine de compos prêtes. Il faut faire du tri et définir pas mal de choses. Les répétitions viennent à peine de commencer et le fait de n’être que trois, ça accélère les choses, forcément. Nous voulions que cette production ne sonne pas très propre justement mais bien fin des années 80’s, début des 90’s. Ce premier EP a été enregistré cet été en studio et est totalement autoproduit. Le mastering a été fait au Drudenhaus studio par l’ancien guitariste d’Anorexia Nervosa. Le but était vraiment de rendre hommage à cette scène avec un œil moderne et de manière très urbaine qui sent le béton mouillé et la gueule de bois le dimanche après-midi sur le périphérique!

Vos prochaines dates pour RLHT ?

T.C : C’est une période vraiment frustrante pour tout le monde. Normalement les dates annulées devraient être déplacées sur l’automne mais nous ne savons pas encore. Mais tout ce vide nous oblige à créer et à être résilients finalement. Avec un peu de recul, nous ne manquons de rien dans nos pays alors il faut prendre du recul sur tout ça.

Je te remercie énormément pour ce moment avec moi, j’en suis absolument ravie.

T.C : Merci à toi Mylène !