Lieu Wacken
Date du 4 au 6 août 2022
Chroniqueurs Ségolène Cugnod, Oli de Wacken
Photographes Christophe Ochal, Bart Kestelyn
https://www.wacken.com/en

Groupes (4 août) Skyline, Cirith Ungol, Grave Digger, Grailknights, Mercyful Fate, Rotting Christ, Belphegor, Judas Priest

Premier groupe de la journée pour la Harder Stage ainsi que sûrement beaucoup de festivaliers, Skyline est aussi le premier groupe du Wacken Open Air. Fidèle à sa ligne éditoriale, le groupe joue son lot de reprises de classiques du heavy metal, de Iron Maiden à KISS en passant par AC/DC. Sous le soleil du milieu d’après-midi, le public accorde un accueil chaleureux à cette « ouverture » en bonne et due forme. Avant d’achever son tour du heavy metal des 80’s par Wheels of Steel de Saxon, Skyline fait un petit crochet par Linkin Park, ce qui crée une petite surprise qui n’est pas pour me déplaire… This is W.O.A, anyway. [Ségolène]

Skyline (par Christophe Ochal)

Cirith Ungol succède sur la Faster Stage voisine. Après avoir entendu mon partenaire de Fest Oli de Wacken me vanter les mérites du groupe américain, pionnier parmi les pionniers, j’ai hâte de voir ce qu’il vaut sur scène… Malheureusement pour moi, la sauce heavy/doom assaisonnée de fantasy ne prend pas. En cause, non les musiciens en eux-mêmes, mais un son approximatif qui ne met pas le talent de chacun d’entre eux en valeur, talent pourtant bien réel. La guitare lead en pâtit notablement en s’en retrouvant presque inaudible par moments, de même que la voix de Tim Baker ainsi que le chant d’appui, dont seulement un mot sur deux ressort clairement. L’enthousiasme des musiciens compense tout de même quelque peu ce mauvais traitement sonore, notamment le batteur historique Robert Garven qui affiche sa joie d’être là. Malgré la bonne volonté des musiciens, et la mienne, je connais avec Cirith Ungol ma première déception de mon premier Wacken. [Ségolène]

Cirith Ungol (par Christophe Ochal)

Qui n’a jamais rêvé d’un concert avec un orchestre de cornemuses et percussions celtiques pour son anniversaire ? Grave Digger célèbre aujourd’hui en différé ses quarante ans sur la Harder Stage en bonne compagnie, avec Baul Muluy Pipes & Drums et Andreas von Lipinski, chanteur de WarWolf, au chant additionnel. Malgré le grand nombre de personnes sur scène, le show est très dynamique, tous les musiciens faisant communion pour exécuter une setlist aux petits oignons, rythmée par une alternance entre les titres culte issus de quatre décennies de metal lourd — Excalibur, bon sang ! — et les musiques traditionnelles écossaises interprétées ponctuellement par la troupe de kilts. La communion se fait également avec le public, qui se réveille pour de bon et s’en donne à cœur joie. Andreas von Lipinski se révèle finalement le seul à perdre de cette configuration, caché derrière Marcus Kniep au fond de la scène et transparent au milieu de la masse humaine et sonore. Hormis les refrains, une occasion de briller lui est toutefois offerte à la fin du show sous forme de duo avec Chris Boltendahl sur Rebellion, la voix du jeune poulain se mariant très bien au chant rocailleux du vétéran. S’ensuit une fin de set en beauté, sur *el famoso *Heavy Metal Breakdown. Un bien joyeux anniversaire pour Grave Digger ! [Ségolène]

Grave Digger (par Christophe Ochal)

Après une pause le temps de manger, je me dirige ensuite vers la Wasteland Stage pour la prestation de Grailknights. Une scène au décor inspiré de Mad Max, voilà un décor idéal pour le groupe de power metal humoristique allemand, connu pour son sens du spectacle et qui le démontre une fois encore en débarquant en force pour combattre leur némésis sur fond de match de catch en ouverture. Tout du long, le set de Grailknights se voit ponctué, tantôt par l’intervention dudit némésis, tantôt par celle d’une plantureuse jeune femme adepte du body painting et brandissant un drapeau arc-en-ciel… à tel point que ces interventions en deviennent plus marquantes que les morceaux eux-mêmes, bien qu’interprétés honorablement par les cinq pseudo-catcheurs en costumes colorés. Du côté du public, l’ambiance est à la fête et les crowd surfers se font nombreux. Peut-être un peu trop pour l’espace assez restreint face à la scène, et certains se retrouvent les fesses à l’air au passage… Sans égaler une performance de Gloryhammer dans l’épique ou d’Alestorm dans l’excès de comique, Grailknights porte ses coups là où ça fait rire, en suivant à la lettre le script d’un match de catch bien rodé. Tel est le souvenir que je garderai de Grailknights et de ce qui sera mon unique passage devant la Wasteland Stage. [Ségolène]

Alors que King Diamond annonçait l’arrivée imminente d’un nouvel album lors de sa tournée estivale de 2019, le covid et peut-être d’autres événements ont postposé le projet, et c’est avec Mercyful Fate que le Danois à la voix de castrat opère finalement un grand retour, chose quasi-inespérée il n’y a pas si longtemps encore. Toujours épaulé par la paire de guitaristes composée de son fidèle lieutenant Hank Shermann, présent depuis le début, et de Mike Wead qui fait partie de la famille depuis 1996, le King s’est adjoint les services de Joey Vera (Armored Saint, Fates Warning) à la basse. Une véritable dream team, en résumé. Qui plus est, alors que Mercyful Fate s’est toujours légèrement différencié de King Diamond en solo de par une approche scénique moins théâtrale, le frontman apparaît grimé en homme à tête de bouc, puis arborant une couronne que l’on devine être ornée de diamants noirs et vêtu de haillons lui conférant un air fantomatique. Très fort. Côté setlist, le groupe se concentre exclusivement sur les légendaires deux premiers albums, Melissa et Don’t Break the Oath, ainsi que sur l’EP éponyme de 1982, première sortie discographique officielle de Mercyful Fate et aujourd’hui pièce de collection inestimable. Seul un nouveau titre, The Jackal of Salzburg, pas totalement finalisé, nous annonce King Diamond, est là pour nous donner un avant-goût du prochain album. Avec un petit côté doom et un autre beaucoup plus typique, ainsi qu’un son old school comme on l’aime, voilà qui nous met l’eau à la bouche. À part cette nouveauté, nous n’avons donc droit qu’à des classiques. Parmi ceux-ci, certains le sont plus que d’autres, tel Come to the Sabbath, juste avant Satan’s Fall en unique rappel. Que du bonheur, et cela ne fait que commencer puisque Judas Priest va se produire incessamment. [Oli]

Mercyful Fate (par Christophe Ochal)

Le soir tombe, et alors que le heavy metal poursuit sa conquête des main stages avec Judas Priest et Mercyful Fate, la soirée prend un tournant plus noir du côté de la W:E:T Stage avec Rotting Christ. Faisant leur entrée en scène sous un éclairage d’une froideur de glace et sur fond de chants grégoriens, les vétérans grecs du black metal mélodique immergent dès les premières secondes le public du Wacken dans l’atmosphère occulte d’une messe noire. Par la suite, plus question de le laisser s’échapper ; pour cela, le groupe mise sur le savoir-faire qui est le sien depuis maintenant presque quarante ans. Mené par les frères Tolis, maîtres de cérémonie de front et d’arrière de scène, Rotting Christ exécute ce rituel qui n’est pour lui qu’une formalité avec une précision chirurgicale. L’interprétation est carrée, impeccable, et l’ambiance aussi prenante qu’oppressante ; le tout servi par un son à la puissance au moins égale à celle des morceaux. Les vibrations de la batterie, sous les coups portés par Themis Tolis, se font ressentir jusque dans les barrières devant la scène, de même que l’extrême saturation des guitares de Sakis Tolis et Kostis Soukarakis. Quant au bassiste Kostas Heliotis, peut-être le moins discipliné du quatuor, il se balade sur scène comme sur son instrument… Toutefois bien loin de rendre les morceaux inaudibles, la puissance sonore renforce au contraire l’aspect « prise de tête » de certains titres tels Agape Satana ou In Yumen-Xibalba, prise de tête qui mène à la prise aux tripes. Idéal pour un sermon impie… Dans tous les cas, à aucun moment l’aura mystique présente depuis le début ne faiblit, de même que le rythme, assez constant pour ne pas laisser aux fidèles le temps de se laisser distraire. Rotting Christ livre là une authentique profession de foi — et une de mes prestations préférées du fest. [Ségolène]

Dernier groupe du jour pour moi, Belphegor sur la Headbangers’ Stage voisine. Après quelques années d’absence, les Autrichiens débarquent avec un nouvel album à promouvoir, ce qui laisse envisager une prestation prometteuse… Celle-ci démarre en tout cas sous de bons augures et un éclairage bleu qui surprend quelque peu mon regard, jusqu’ici plutôt habitué au rouge pour mettre en avant l’esthétique satanique et le black/death metal du groupe. À mon grand désarroi, je ne parviens toutefois pas à apprécier cette prestation au même titre que les précédentes de Belphegor auxquelles j’ai pu assister par le passé. Celle-ci me paraît en effet mécanique et aussi froide que l’éclairage, peu aidée en cela par une setlist au rythme peu varié. Qui plus est, les interactions sont rares, aussi bien entre les musiciens et l’audience qu’entre les musiciens eux-mêmes ; parmi ces derniers, Serpenth est le seul à démontrer son expressivité, énergique et souriant, très efficace également dans son chant additionnel. Le sens de la mise en scène, notamment avec les jeux de feu, maintient tout de même la flamme d’un show professionnel mais rigide. [Ségolène]

Groupes (5 août) Crypta, Kissin’ Dynamite, Kadavar, Freedom Call, Me and That Man, Stratovarius, Hypocrisy, Satan, Behemoth, Venom, In Extremo, Moonspell, Tiamat, Mantar

Deuxième jour du Wacken Open Air, qui promet d’être placé sous le signe de l’épique, du feel good… et d’une météo en dents de scie.

Ma collègue souhaitant absolument assister au concert de Kissin’ Dynamite, en grand gentleman que je suis, je lui laisse ce plaisir et me dirige donc vers la Headbangers Stage pour voir Crypta. Ce afin de couvrir un maximum de groupes et d’étoffer ce reportage pour vous, lecteurs, qui le méritez bien. Et aussi parce que le quatuor s’est produit dans ma région, il y a peu, et que j’ai loupé ce concert. Il fallait donc que ce manquement soit réparé. Ainsi, tout de noir vêtues, c’est à midi que les filles de Crypta prennent d’assaut la Headbangers Stage. Headbanging à l’unisson et beau travail des deux guitaristes en solo mettent en valeur ce groupe aussi à l’aise sur le speed que sur les titres plus lents. Sans bien grandes prétentions, leur death metal n’en est pas moins empreint de savoir-faire et de passion, passion qui transparaît lors des interventions de la bassiste/chanteuse Fernanda Lira : « Sans vous, il n’y a pas de scène metal, pas de groupes, il n’y a rien du tout. Merci ! ». Bon et costaud, in concert sur lequel il n’y a rien à redire. [Oli]

Crypta (par Christophe Ochal)

Bien que peu adepte du glam, je suis prête à faire des exceptions pour des groupes comme par exemple Rakel Traxx ; aujourd’hui, ce sera pour Kissin’ Dynamite. Fidèles à l’esprit volontairement kitsch du genre, les cinq jeunes Allemands paraissent tels des divas maniérées, sur un dispositif de scène aux allures de podium et menés par un Johannes Braun aux cheveux peroxydés et à la belle chemise blanche soigneusement ouverte. Loin de moi, cependant, l’idée de me moquer des joyeux lurons, puisqu’en dépit du fait de regarder son public « de haut », le groupe reste proche de ce dernier et le manifeste au travers d’une musique catchy qui fait du bien à entendre. Sur scène, les musiciens s’amusent et leur jovialité fait plaisir à ressentir, ceci malgré quelques problèmes de son rendant les chœurs inaudibles et une météo capricieuse. Mention spéciale au nouveau et hyperactif batteur Sebastian Berg, qui fait bien rire à ne jamais tenir en place. [Ségolène]

Qu’allait donner Kadavar sur une grande scène au beau milieu de l’après-midi ? Leur musique, piochant dans tout ce que les seventies nous ont offert de mieux, présente une facette très rock, certes, mais montre aussi un net penchant pour les ambiances plus doom et occultes, et semble de ce fait ne pouvoir s’apprécier qu’en club ou, éventuellement, sous chapiteau, comme lors de leur passage au Hellfest, notamment. Le set débute au son de Lord of the Sky, sur un tempo bien rock de bon aloi, suivi d’Into the Wormhole, aux relents plus doom, avant de revenir encore au hard rock. Et l’évidence s’impose déjà : Kadavar, ça le fait aussi en plein air ! Le classique Die Baby Die, au refrain entêtant, sera l’un des seuls titres annoncés par Christoph Lindemann, les autres s’enchaînant sans temps morts. [Oli]

Kadavar (par Christophe Ochal)

Qui a dit que le metal n’était pas pour tout le monde ? Tel n’est pas l’avis de Freedom Call, qui est là et compte bien faire passer le message contraire. M.E.T.A.L en fond sonore, le quatuor déboule sur la Headbanger’s Stage armé de ses instruments et de son indéfectible bonne humeur pour servir à son public une bonne dose de « happy power metal » tel qu’il en a le secret. Que faire, sinon enfoncer une porte ouverte en affirmant que ça marche ? Freedom Call, c’est enfantin, voire naïf, mais surtout lumineux, et on en redemande. Pour preuve, il n’y a qu’à voir le public s’amuser comme un petit fou et reprendre en chœur les refrains de Metal Is for Everyone ou du cultissime Warriors… Depuis la scène, le groupe entretient l’alchimie en maintenant le dialogue, d’une part entre eux, le duo de guitares entre Chris Bay et Lars Rettkowitz fonctionnant par ailleurs très bien, d’autre part avec son audience. La joie se lit sur les visages et dans les cœurs, malgré quelques gouttes de pluie. Cependant, sur la fin, quelques rayons de soleil commencent à poindre au travers des nuages… Au final, peu importe la météo, Freedom Call illumine tout. [Ségolène]

Freedom Call (par Christophe Ochal)

Avec Stratovarius, si le genre reste le même, le registre change, passant à un power metal néoclassique plus « sérieux ». Pour son neuvième passage au Wacken, le groupe vétéran du fest arrive avec un nouvel album de derrière les fagots, dont la sortie est prévue pour septembre, comme se plaît à le rappeler à plusieurs reprises le frontman Timo Kotipelto. La setlist suit en conséquence, comptant plusieurs extraits de ce prochain opus, dont l’éponyme Survive. Cela étant, elle reste assez variée pour ne pas être monocorde et susciter l’intérêt des plus nostalgiques. À ce sujet, Timo Kotipelto profite de l’intro de Black Diamond pour rendre hommage à son amitié et collaboration de longue date avec le claviériste Jens Johansson. Le public, plutôt calme jusqu’ici, commence à se réveiller au son de ce classique néoclassique de l’ère Timo Tolkki et accorde à Stratovarius l’accueil qu’il mérite. Comment rester de marbre, après tout, face à un Lauri Porra gardant le sourire jusqu’aux oreilles tout du long, à la grande forme que dissimulent les airs austères du sus-nommé Jens Johansson, ou aux étincelles dans les prunelles bleues de Timo Kotipelto ? Cet esprit festif atteint son paroxysme au cours du final, Hunting High and Low, après lequel tout le monde repart avec un peu plus de baume au cœur. [Ségolène]

Stratovarius (par Christophe Ochal)

Therapy? ne jouit plus de l’immense popularité à laquelle l’album Troublegum lui avait donné accès en 1994, mais reste un groupe apprécié pour son authenticité et la qualité de sa discographie. Ceci dit, ce sont évidemment les titres issus de ce classique qui marchent le mieux auprès du public. Il faut dire que Troublegum avait tout pour lui : ce metal alternatif gorgé de mélodies pop toutes plus accrocheuses les unes que les autres avait de quoi séduire les masses, en ces années où le grand public redécouvrait les vertus du « vrai » rock à guitares à travers le grunge, mais où une échappatoire telle que Therapy? permettait d’échapper à la grisaille de celui-ci. Die Laughing est dédié aux Foo Fighters, et sans doute davantage encore à leur batteur Taylor Hawkins, récemment disparu. Le tube Nowhere fonctionne évidemment très bien, et sa ligne de guitare au son très métallique est apte à ravir le vieux metalleux que je suis. Screamager, autre single bien poppy de Troublegum, clôture cette heure de concert dans la bonne humeur alors qu’on n’a pas vu le temps passer. [Oli]

Sur la W.E.T Stage, retrouvons à présent Me and That Man, formation parallèle de Nergal (Behemoth), qui en est, l’air de rien, à son deuxième album. À des années-lumière de la formation black/death polonaise, Me and That Man développe un mélange de rock sombre, de blues poisseux digne des origines du genre, sentant bon le sud des États-Unis, de country et de gothique. Chapeaux et chemises noires pour Nergal et son second guitariste Sasha Boole leur donnent des allures de cow-boys, en accord avec le style musical. Tout cela n’est pas à des années-lumière de ce que propose, au hasard, Tiamat, dans ses moments les plus soft. Sur Burning Churches, une croix inversée apparaît en backdrop, nous rappelant qu’on ne se refait pas. Losing My Blues est interprété en duo avec Frank The Baptist, pape du post-punk/indie/goth/dark rock originaire de San Diego et maintenant basé à Berlin. Un très bon moment et, dans l’ensemble, un très bon concert. [Oli]

Me and That Man (par Christophe Ochal)

Après une pause boissons qui se prolonge un peu trop longtemps, j’arrive sur le tard devant la deuxième moitié du show d’Hypocrisy sur la Faster Stage. La première, vue sur l’écran de l’espace VIP, m’avait paru intéressante, cette seconde, malheureusement, beaucoup moins… En cause, une setlist mettant l’emphase sur des morceaux pour la plupart mid-tempo et au rythme par là constant et régulier, certes, mais manquant de fantaisie et faisant l’effet d’un encéphalogramme plat. Le son n’arrange pas les choses, aux réglages trop approximatifs pour apporter un coup de boost à l’ensemble. À noter également, une utilisation excessive de la machine à fumée, qui crée un brouillard épais quasi-permanent sur la scène… une manière pour Peter Tägtgren de cacher une certaine usure ? La question est ouverte. Les aficionados d’Hypocrisy, en tout cas, sont bien présents et ne cachent pas leur enthousiasme, se montrant largement plus réceptifs que ma personne à cette prestation. [Ségolène]

Hypocrisy (par Bart Kestelyn)

Satan a pris le parti de piocher dans toute sa discographie plutôt que de nous servir en concert son unique classique, l’album Court in the Act de 1983. Estampillé NWOBHM, le groupe l’est assurément, cependant ses racines 70’s sont perceptibles dans le sens où ses compositions ne sont pas forcément basées sur de gros riffs, mais plutôt sur des mélodies, comme nombre de groupes de cette époque savaient les mettre en avant. La démarche n’est pas éloignée de celle d’un Thin Lizzy, par exemple, bien que la comparaison s’arrête là. Toujours racés et de bonne qualité, les titres de Satan et leur interprétation ont su ravir un public de connaisseurs. En revanche, le côté catchy, qui, il faut le reconnaître, fait un peu défaut, explique peut-être en partie pourquoi ce groupe n’a jamais réussi à captiver la grande foule et n’y parvient pas davantage aujourd’hui. [Oli]

Satan (par Christophe Ochal)

La mise en place du décor de scène de Behemoth prenant un certain temps, les festivaliers du Wacken doivent attendre une demi-heure avant la performance du groupe. Fort heureusement, pour les aider à patienter, Saltatio Mortis et Hämatom leur réservent une petite surprise : une performance des deux groupes réunis, du haut de la structure entre la Faster et la Harder Stage ! Le temps de quatre morceaux, les deux groupes livrent une démonstration d’un mélange des genres inattendu s’il en est, devant un public surpris mais heureux. Malgré les singulières différences de style, l’ensemble se révèle très harmonieux, et les spectateurs répondent en conséquence, sautant, dansant et levant les poings. Une vraie mini-fiesta ! [Ségolène]

Après ce petit intermède fort agréable, le rideau de la Harder Stage tombe pour dévoiler Behemoth. En grande amoureuse du sens de la cinématographie des maîtres polonais du black/death, et ayant été laissée insatisfaite par leur dernière performance au Summer Breeze 2018, j’attends beaucoup de leur retour sur scène. À ce titre, dire que celle d’aujourd’hui ne déçoit pas n’est que doux euphémisme. Le son est très propre, au service de quatre musiciens chez qui la hargne transpire sous les maquillages et costumes. Venu, à l’instar de Stratovarius avant lui, avec un nouvel album de derrière les fagots dans ses bagages, Behemoth en a inséré quelques extraits dans sa setlist, pour le plus grand bonheur d’un public ravi de découvrir ces derniers en live dans les meilleures conditions. Les conséquences de deux jours (voire plus) de fest s’observent néanmoins du côté de certains crowd surfers évacués, qui semblent mal en point… On ne peut en dire autant du groupe, dont la détermination semble augmenter à chaque changement de costume de Nergal. Ce dernier, décidément très en forme, profite d’ailleurs de la nouveauté Off to War! pour brandir deux fumigènes aux couleurs de l’Ukraine, ainsi que du reste pour démontrer encore une fois sa complémentarité guitaristique avec Seth. Enfin, après un faux départ de la scène qui dissimule en réalité un énième changement de tenue, le groupe revient pour un dernier tour de piste sur O Father O Satan O Sun qui prouve une bonne fois pour toutes qu’il a de la superbe à revendre. Et encore, Behemoth a-t-il toujours quelque chose à prouver, depuis le temps ? [Ségolène]

Behemoth (par Christophe Ochal)

Venom célèbre cette année les quarante ans de son mythique album Black Metal dont il interprétera ce soir cinq titres ; finalement pas plus que d’habitude, mais il était de bon ton que Cronos nous rappelle cet anniversaire. Le son a du mal à se stabiliser et chaque instrument se verra poussé beaucoup trop en avant à un moment ou à un autre, toutefois cela finira par s’arranger. Comme d’habitude, Cronos assure le show avec ses grimaces et autres mimiques ainsi qu’avec son allure si singulière. Danté, batteur-jongleur très démonstratif et visuel, ferait très bonne figure dans un groupe de glam, mais ne le dites pas à Cronos. Venom nous a proposé un bon petit best-of de ses premiers méfaits agrémenté de quelques titres plus récents, le tout sans réels moments forts. [Oli]

Venom (par Bart Kestelyn)

Il est à peine 20 h 30 passées que les gens se rassemblent déjà devant la Faster Stage pour la première tête d’affiche de ce jour, In Extremo. Redoutant pour ma part la marée humaine, c’est en retrait que je profiterai de la performance du groupe de folk metal le plus sympathique d’Allemagne. La setlist est classique, se reposant sur des titres, non les meilleurs de la discographie d’In Extremo, mais les plus emblématiques, et laisse de côté les airs traditionnels au profit du matériau « moderne » du groupe. Rien d’étonnant, alors, à voir le public prendre son pied sur l’entêtant Vollmond, les dansants Quid pro quo et Frei zu sein, ou encore le mystique Rasend Hertz, pour ne citer que ceux-là ? Le tout est servi par un son plus que correct, un petit exploit pour qui sait à quel point les cornemuses, mandolines et autres vielles à roue peuvent donner du fil à retordre au cours des balances… Sur scène, l’entrain et l’énergie des musiciens sont aussi pour beaucoup dans la bonne humeur générale, notamment chez l’agité Michael Robert Rhein à la voix aussi chaleureuse qu’éraillée. Ajoutons à cela des costumes tape-à-l’œil et un final tout en feux, classique sur l’emblématique tête de bovin entre les deux scènes, d’artifice au-dessus de la Master, et In Extremo nous livre un show haut en couleur, dans tous les sens du terme. [Ségolène]

In Extremo (par Christophe Ochal)

Des origines black metal de Tribulation ne subsistent que les apparats vestimentaires et le maquillage. Le groupe a, depuis longtemps, mué vers un metal gothique et sa splendide mutation a atteint sa dernière phase — pour l’instant — avec le superbe album Where the Gloom Becomes Sound sorti en 2021. Le concert d’aujourd’hui est à l’image de la qualité de ce disque, les musiciens occupent bien l’espace scénique et tout est parfaitement en place. Un vrai plaisir que ce set d’une heure qui n’a semblé que trop court. [Oli]

Tribulation (par Bart Kestelyn)

À la tempête Slipknot, deuxième tête d’affiche de ce 5 août, je préfère le calme de Moonspell. Sur la Wackinger Stage, le style gothique et noir des cinq Portugais tranche avec l’ambiance folk de la zone médiévale du Wacken, d’un point de vue visuel comme auditif. Depuis trente ans, Moonspell sait sublimer l’obscurité en la traitant avec autant de douceur que de fermeté ; bien entendu, la prestation de cette soirée ne déroge pas à la règle. Le temps d’une heure de voyage, le navire Moonspell vogue d’une rive à l’autre de sa discographie en passant par toutes les étapes essentielles, à commencer par les plus récentes, parmi lesquelles le superbe Extinct, émouvant dès la levée de l’ancre, pour partir ensuite vers d’autres étapes plus lointaines. Aucun voyageur, de longue date à fraîchement embarqué, ne se retrouve ainsi laissé pour compte, et tous manifestent leur gratitude envers l’équipage mené par Fernando Ribeiro. Ce dernier, bien qu’arborant les signes de l’âge, n’en a pas moins la voix très en forme. Qui plus est, ravi de la diversité des nationalités représentées sur l’affiche comme dans le public du Wacken, il se permet quelques traits d’humour portugais en interpellant dans l’audience les spectateurs venus des pays lusophones, voire des plus petits pays d’Amérique du Sud comme le Honduras… Après cette amusante escale, le voyage s’achève sur les classiques Alma Mater et Full Moon Madness et des salutations chaleureuses au débarquement.[Ségolène]

Moonspell (par Bart Kestelyn)

Tiamat entame les hostilités avec Whatever It Hurts, premier titre et single du chef-d’œuvre Wildhoney (1994), qui sera d’ailleurs bien mis à l’honneur ce soir, puisque The Ar, Visionaire et Do You Dream of Me? se succéderont ensuite, avant qu’In a Dream et Clouds, extraits de Clouds, sorti en 1992, n’enfoncent le clou de cette prestation basée, vous l’avez compris, sur un répertoire old school. Le frontman Johan Edlund a décidé de montrer un Tiamat à visage humain. À la fin de The Ar, il provoque une petite pose pour prendre une photo du public, avant d’annoncer que c’était pour l’envoyer à sa femme. Plus tard, il remerciera le les spectateurs de leur présence : « Vous pourriez regarder Moonspell, Slipknot ou Phil Campbell en ce moment, mais vous êtes ici. C’est incroyable ! Je ne vous comprends pas mais c’est fantastique, merci ! ». Ceci tranche avec l’univers mélancolique et taciturne du bonhomme et de son groupe, et cela s’avère d’autant plus sympathique. Le puissant The Sleeping Beauty et le sublime Gaia, qui commence calmement pour ensuite monter en puissance et en émotion, clôturent en toute beauté l’un des meilleurs concerts, à mes yeux, de ce W:O:A 2022. [Oli]

Tiamat (par Christophe Ochal)

Minuit approche lorsque nous nous retrouvons devant la W:E:T Stage et Mantar. Amatrice novice des performances studio de ce groupe aussi fascinant qu’étrange, au style oscillant entre le black metal et le sludge, je suis très curieuse de voir comment ce caractère si particulier se retranscrit sur scène… La réponse ne tarde pas à arriver, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle frappe droit dans l’œil, les tympans, et surtout le cerveau. Ici, pas de bassiste bien caché, seulement deux hommes habités par leur musique et ne faisant qu’un avec elle. Depuis ma position assez éloignée de la scène, je n’ai pas loisir d’observer le jeu de batterie d’Erinc Sakarya, mais parviens à apercevoir Hanno Klänhardt s’agiter dans tous les sens, les mains agrippées à sa guitare. Sa voix au timbre particulier, éraillée et écorchée, ressort dans toutes ses nuances les plus agressives, au moins autant qu’en studio. Écorchée, tel est le terme que je me permettrai d’employer pour qualifier l’inqualifiable prestation de Mantar et de son frontman. Celui-ci n’a pas de temps à perdre en communication verbale ; pour faire passer le message, seules comptent les émotions brutes et dépouillées. Ce message, le public l’accueille à bras et esprits ouverts, réceptif à cette philosophie pourtant peu family-friendly. On ne sort pas indemne de l’écoute d’un album de Mantar ; désormais, je peux affirmer qu’il en est de même pour ses lives… non que cela soit dérangeant.[Ségolène]

Mantar (par Christophe Ochal)

Groupes (6 août) Neaera, Ann Wilson, Orden Ogan, Tarja, Striker, Hate, Au∂n, Skyforger, Arch Enemy, Powerwolf, Death Angel, Lordi

Le temps passe vite quand on le passe devant la scène, et nous voilà déjà rendus au troisième et dernier jour de cette 31ème édition du Wacken Open Air.

Le temps de prendre un café en vitesse, et je fonce en vitesse — c’est le cas de le dire — devant la Faster Stage pour le reste du set de Neaera. Pour qui n’a jamais assisté à une performance live du groupe, la première chose qui saute aux yeux est l’indiscipline éhontée de son chanteur, Benjamin Hilleke. Tel un gosse hyperactif, ce dernier passe une bonne partie de son temps à surfer sur la foule ou à sauter sur les enceintes lorsqu’il rejoint ses camarades sur scène. Entre deux morceaux, ou incartades, il ne se prive pas de se montrer très bavard et de lancer au public des injonctions à encourager les agents de sécurité, à qui il donne lui-même pas mal de boulot… Musicalement, le death metal mélodique de Neaera tient largement la route, assez bourrin pour éveiller les foules en ce début d’après-midi, bien qu’un peu répétitif sur la fin. [Ségolène]

Ann Wilson, co-fondatrice du groupe américain Heart avec sa sœur Nancy, s’offre une escapade en solo à l’occasion de la sortie de son troisième album, Fierce Bliss. Entourée de jeunes musiciens, la toujours fringante septuagénaire enchaîne les titres de Heart, quelques nouveautés de son propre répertoire et les reprises, avec un égal bonheur. Grande fan de Led Zeppelin qui fait d’ailleurs partie des influences majeures de Heart, elle reprendra Immigrant Song avec beaucoup de feeling ainsi que Black Dog en fin de set. Plus étonnante mais aussi plaisante, la reprise de Rooster d’Alice In Chains s’intègre parfaitement à la setlist, démontrant qu’Ann Wilson ne se laisse pas enfermer dans un univers classic rock… dont Alice In Chains fera pourtant bientôt partie, les années passant. Une très belle prestation, agréable à suivre entre deux décharges métalliques. [Oli]

Ann Wilson (par Christophe Ochal)

Orden Ogan a toujours été un de ces groupes efficaces en toutes circonstances, grâce à des setlists toujours bien calibrées quelle que soit l’occasion, mais ayant tendance à se reposer sur les mêmes morceaux. En dépit de cela, je suis curieuse de voir de quelle façon la sortie de l’album Final Days l’année dernière a rebattu les cartes — et, accessoirement, de revoir ce groupe que j’affectionne sur scène après quatre ans sans en avoir l’occasion. Sans surprise, je constate que les nouveaux titres s’intègrent parfaitement, mais pâtissent un peu d’un son ne laissant pas d’espace d’expression aux éléments électroniques ainsi que d’un manque de chœurs pour appuyer les refrains — In the Dawn of the AI notamment. Après un début de set un peu tiède — malgré la présence d’effets pyrotechniques —, la sympathie de Sebastian Levermann couplée à l’alchimie entre les musiciens, récemment intégrés pour la plupart, réchauffent les cœurs et les esprits ; le « nouveau » guitariste, Patrick Sperling, démontre son talent. L’interprétation de Come with Me to the Other Side est comme toujours plus convaincante en live que la version studio, et l’apparition sur scène de la mascotte Alister Vale pendant celle de Gunman apporte un petit bonus théâtral bienvenu qui fait réagir. La flamme s’attise, jusqu’à s’embraser sur Let the Fire Rain, suivi de l’habituel mais toujours pertinent final The Things We Believe In. À défaut de surprendre, Orden Ogan prouve une nouvelle fois son efficacité et sa fidélité envers son public ; une qualité essentielle que l’on ne peut lui retirer. [Ségolène]

Place au crossover sur la W.E.T Stage avec Insanity Alert. Fans de S.O.D.et de D.R.I., c’est par ici que ça se passe ! Les jeunes Autrichiens ont assimilé tous les codes du genre et les restituent avec une fougue, un savoir-faire et surtout, un humour ravageur bien que pas très fin. Comment résister à Why Is David Guetta Still Alive? ou à Run to the Pit, pastiche de Run to the Hills d’Iron Maiden, avec son refrain « Run to the pit, mosh for your life » ? Musicalement, ça bastonne sévère et le mosh pit, qui se réactive à chaque accélération du rythme, atteint des vitesses de rotation rarement atteintes, de mémoire de festivalier aguerri. Une autre vanne ? « Killing in the Name… ah, c’est pas une bonne chanson ? Kill Yourself » pour se moquer de Rage Against the Machine avant de reprendre le classique de S.O.D. Du grand art, du grand fun ! [Oli]

Striker nous présente ensuite son heavy/speed carré, énergique et efficace avec la fougue de sa relative jeunesse. Le combo canadien n’a rien inventé mais chacun de ses titres présente une accroche bien particulière, rendant l’ensemble de ses compos fédératrices, et donnant envie de headbanguer ou de brandir le poing. Le guitariste Timothy Brown, avec sa chemise léopard et ses lunettes solaires très 80’s, apporte sa petite touche vintage. Parfait pour une après-midi de festival. [Oli]

Striker (par Christophe Ochal)

Une heure de pause plus tard, je suis de retour face à la même scène pour la prestation de Tarja. Le répertoire post-Nightwish de la diva n’a certes rien de très emballant, mais apporte un moment de douceur et de lyrisme bienvenu au milieu de toute la testostérone ambiante. Entourée de ses fidèles musiciens, Tarja fait le tour de sa discographie, avec toutefois une légère emphase sur son dernier album en date, In the Raw. Si les morceaux sont tous un peu lisses, il n’en demeure pas moins que la voix et le charisme de la chanteuse et coach vedette de The Voice of Finland produisent leur petit effet, de même que les remerciements et messages d’amour teintés d’un fort accent qu’elle adresse à ses admirateurs entre deux chansons… Hormis elle, le guitariste Alex Schlopp se distingue parmi les musiciens lorsque l’occasion lui est donnée de briller. Au contraire, le violoncelliste Max Lilja n’a pas cette chance, le son ne faisant pas honneur à son instrument et l’assourdissant au milieu du reste la majeure partie du set. De Nightwish, Tarja n’a gardé que la reprise de Over the Hills and Far Away, qui donne un petit coup de fouet — gentil ! — au public, qui tape dans les mains à tout va. Le set s’achève sur le langoureux Until My Last Breath, suivi d’au revoir qui le sont tout autant, à renfort de baisers envoyés à la foule et de câlins entre musiciens. [Ségolène]

Tarja (par Bart Kestelyn)

Attic est sans aucun doute le meilleur clone de Mercyful Fate, ceci en raison de la voix de Meister Cagliostro qui ressemble à s’y méprendre à celle de King Diamond dans les aigus. Le groupe ne semble pas s’en cacher — d’ailleurs, comment le pourrait-il ? — et, quitte à pratiquer un genre aussi typé, autant le faire bien… ce à quoi Attic parvient avec un grand talent. Nous avons le plaisir de découvrir un nouveau titre, Offerings to Bathory — du moins un titre s’en approchant, désolé pour ma compréhension approximative — et évidemment, le meilleur reste pour la fin avec The Headless Horseman, un titre impeccable au refrain accrocheur en diable. King Diamond lui-même doit en être jaloux, j’en mettrais ma tête à couper ! [Oli]

Après Behemoth la veille, d’autres maîtres polonais du black death font leur entrée sur la Headbangers’ Stage en la personne de Hate. N’ayant pour ma part vu le groupe qu’une fois en 2013, cette prestation me donne l’occasion d’une redécouverte. Un premier constat s’impose de suite, à savoir que Hate et Behemoth n’ont pas que le genre et l’origine en commun et que les similitudes sautent aux yeux, les deux étant adeptes du corpse paint et du décor à base de triangles et de crânes. Cependant, là s’arrêtent les similitudes. Hate se distingue en effet de son illustre cousin en adoptant pour son black/death une approche plus directe misant sur les tempos rapides et un son brut, bien que propre. En résulte un show en forme de rixe, où les coups s’enchaînent sans s’arrêter et sans jamais manquer leur cible. La technique est là, aussi, sous forme entre autres des superbes soli de Dominik « Domin » Prykiel. Au vu de la réaction du public, il ne fait nul doute que celui-ci prend un plaisir masochiste à recevoir ces claques aux tympans ! En infligeant une telle raclée à son audience, Hate donne à cette dernière une bonne leçon de metal extrême et prouve qu’avec Behemoth, il partage le talent bien avant tout autre chose. De mon point de vue, Hate a été parmi les premiers groupes à m’avoir fait apprécier le death metal, et cette prestation me rappelle pourquoi. Hate nous rentre dans le lard, et on aime ça ! [Ségolène]

Il paraît étonnant de voir un groupe tel Au∂n programmé si « tôt » dans le line-up d’un fest, groupe que, au vu de son étiquette atmosphérique, l’on imaginerait plutôt jouer sous les étoiles… Ce soir, c’est sous un soleil déclinant que le groupe norvégien au nom imprononçable fait son apparition sur la W:E:T Stage. Sobres, élégants et solennels dans leurs tenues noires, les six hommes jouent une musique à cette image et qui tranche avec le reste de la programmation du fest. À certains, elle peut paraître froide et peu accessible, d’autant plus que, comme le veut le genre, la communication entre le groupe et son public est réduite au strict nécessaire, y compris dans les parties vocales de Hjalti Sveinsson. Bien loin d’être transparent pour autant, ce dernier se laisse posséder par son rôle, hurlant à pleins poumons et à plein cœur. Au point d’en devenir, au bout de quelques morceaux, aussi rouge que la tache de vin qui lui recouvre une partie du visage. Hormis son frontman très impliqué, l’autre particularité d’Au∂n réside dans son line-up comptant trois guitares, tout comme celui des Français de Pénitence Onirique. Cependant, contrairement à la performance de ces derniers au LADLO Fest II, la troisième semble plus servir de fond sonore que de réel complément aux autres… Hormis ce petit regret, la prestation d’Au∂n, derrière son apparente froideur, déborde d’humanité et touche au cœur l’amatrice de black metal atmosphérique que je suis. [Ségolène]

Au∂n (par Christophe Ochal)

Les aiguilles de l’horloge approchent à peine 20 h 30 que le public, déjà, se rassemble face à la Faster Stage pour la prestation d’Arch Enemy. Cependant, pour moi, l’appel de la mer Baltique est plus fort et je préfère me diriger vers la Wackinger Stage et Skyforger. Pour le groupe adepte du folklore letton, au vu du créneau horaire, le défi est de taille, plus particulièrement pour le batteur Jānis Osis, intégré depuis peu. Parés de leurs plus beaux atours traditionnels et munis de la meilleure volonté du monde, les cinq musiciens partent à la conquête du Wacken et de l’Allemagne. Pour cela, ils frappent fort dès les premiers morceaux, à coups de riffs aux accents à la fois death et pagan metal auxquels se mêlent mélodies dansantes et les trois voix assurées par le trio de tête formé par Edgars « Zirgs » Grabovskis, Alvis Bernāns et Pēteris « Peter » Kvetkovskis. Ce dernier subit néanmoins quelques problèmes de son en début de set, liés à un micro mixé un peu faiblement par rapport à celui de ses camarades et à une guitare devenant subitement silencieuse en plein milieu d’un morceau. Par chance, ces problèmes sont assez vite résolus, permettant à Skyforger de partager la générosité de sa musique et de ses musiciens avec des spectateurs qui deviennent de plus en plus nombreux au fil de l’avancée du set. À commencer par le sus-cité trio de tête, uni dans la complémentarité de ses voix et instruments et qui conte avec bonheur le folklore de la mer Baltique. En bonus, Peter donne un petit cours d’histoire sur le passif de la Lettonie et de l’Allemagne pour expliquer le contexte d’un morceau… J’attribue pour ma part une mention honorable au bassiste Edgar « Zirgs », qui sous ses airs rustres cache une très belle voix, ainsi qu’aux instruments folkloriques qui apportent une belle couleur à l’ensemble. Tous s’amusent jusqu’à en faire des tonnes, de Zirgs et Alvis tombant à genoux à Jānis qui a déjà bien pris ses marques et le montre en s’égosillant derrière les fûts. Skyforger illustre la définition même du crescendo, d’un début de prestation sur la réserve à un final festif qui lui vaut une reconnaissance bien méritée de la part du public. Défi relevé haut la main ! [Ségolène]

We Will Rise, The World Is Yours et Deceiver, Deceiver, le premier des nombreux titres de Deceivers qui allait sortir la semaine suivante, constituent une entrée en matière efficace pour Arch Enemy, qui fait désormais figure de tête d’affiche fédératrice dans les plus grands festivals. Après presque trois ans sans tourner et avec un nouvel album sous le bras, il est clair que la nouvelle setlist sera assez différente de la précédente, faisant la part belle au nouveau matériel. Les interventions d’Alissa White-Gluz manquent un peu de spontanéité, mais à ce niveau, tout doit être millimétré et, honnêtement, quel groupe occupant une telle position à l’affiche d’un méga-fest peut-il se permettre la moindre « fantaisie » ? Ainsi, cette remarque, qui vient spontanément à l’esprit au sujet d’Arch Enemy qui fait encore office de « petit nouveau » dans la cour des grands, deviendra-t-elle obsolète dans très peu de temps. Les jumps et le headbanging à genoux d’Alissa font partie de son jeu de scène énergique, et ces attitudes toutes personnelles apportent un petit plus au visuel du show. Handshake with Hell, le titre d’ouverture de Deceivers, qui voit la chanteuse adopter une voix claire, est très convaincant, tant sur le plan vocal que musical. Serait-ce un virage durable ? Il semblerait aussi que Michael Amott, leader et compositeur attitré d’Arch Enemy, qui a placé son projet Spiritual Beggars en sommeil prolongé et à durée indéterminée, exprime aujourd’hui ses aspirations hard rock/heavy metal non plus dans ce dernier mais dans Arch Enemy. En effet, même si la voix reste ce qu’elle est, hormis sur le titre susmentionné, les structures musicales, en tant que telles, des nouvelles compositions, s’approchent du heavy metal tout en s’éloignant du death. The Watcher est encore un nouveau morceau, joué en live pour la première fois, pour lequel un vidéo-clip est tourné ici, ce soir, annonce fièrement Alissa pour galvaniser la foule. Le public se montrera encore très chaud pendant No Gods, No Masters, et Arch Enemy aura pleinement rempli sa mission. [Oli]

Arch Enemy (par Christophe Ochal)

Lorsque Powerwolf compte parmi les têtes d’affiche, il paraît inenvisageable de manquer cela. Ceci, malgré le fait que le titanesque groupe de power metal satirique représente dignement le sens du recyclage de l’Allemagne, répétant la même recette depuis maintenant des années… Ce soir, les Loups de Dieu placent la barre un cran plus haut en matière de grandiloquence : aux habituels éléments de mise en scène viennent s’en greffer d’autres, à savoir d’immenses projections au fond de la scène changeant entre les morceaux et des figurants venant meubler le décor de cathédrale. Au niveau du déroulement du show, le groupe ne crée pas la surprise : la setlist ne change que très peu, hormis l’inclusion de titres du dernier album en date, Call of the Wild — des classiques remplacés par d’autres classiques, somme toute. Il en est de même pour les interactions avec l’audience, lorsqu’Attila Dorn invite cette dernière à chanter aussi fort — et faux — que possible la lead d’Armata Strigoi et le refrain de Demons Are a Girl’s Best Friends, ou que Falk Maria Schlegel court partout en plein morceau… Powerwolf se complaît-il dans ses excès ? Se repose-t-il sur ses lauriers ? Sans nul doute, toutefois force est de constater que le public goûte à la recette avec toujours autant d’avidité. Il n’y a qu’à voir ce dernier sauter et danser sur Incense & Iron ou Blood for Blood, s’embraser avec les effets pyrotechniques ou exploser avec le final We Drink Your Blood pour s’en rendre compte… Finalement, une performance de Powerwolf peut se rapprocher, à peu de chose près, d’un bon film pop-corn à gros budget : prévisible et confortable, mais que l’on peut regarder sans se lasser. Autrement, pourquoi certains sont-ils allés jusqu’à perdre le compte du nombre de concerts des Loups auxquels ils ont assisté, y compris moi-même ? [Ségolène]

Préférant éviter la grandiloquence et les gros refrains qui tentent de dissimuler la mollesse de la musique de Powerwolf, je me dirige vers la Louder Stage où Death Angel nous gratifie d’un concert mêlant titres anciens et plus récents et qui évite l’écueil de se reposer sur les lauriers de The Ultra-Violence. Death Angel est toujours une machine bien huilée qui a le bon goût de nous présenter un mélange bien dosé de fureur thrash et de nombreux passages plus lourds. Mark Osegueda n’aura de cesse de s’étonner et de féliciter le public pour sa ténacité, puisque certains spectateurs, arrivés le lundi bien que le festival « officiel » ne débutait que le jeudi, étaient à Wacken depuis, somme toute, une semaine ! [Oli]

Pour clôturer ce passage au Wacken Open Air, rien de tel qu’une autre escapade satirique dans l’univers comico-horrifique de Lordi. 2022 marque un anniversaire spécial pour le groupe : celui des vingt ans de la sortie de son premier album, Get Heavy. Pour fêter cela dignement, les monstres de Finlande ont prévu une setlist centrée sur les moments forts de cet opus, comme l’annonce en fanfare Mr Lordi après une ouverture sur le morceau éponyme, suivi de Borderline, sorti l’année dernière. Par la suite, qu’il s’agisse de rendre hommage à Get Heavy ou à d’autres efforts plus récents, chaque titre est l’occasion pour Lordi de démontrer son sens du grand spectacle et son goût pour les gimmicks a la Alice Cooper. Entre numéro de la fille coupée en deux avec litrons de faux sang à la clé sur Naked in my Cellar, apparition de danseuses en petite tenue ou décor de scène en carton de style train fantôme à l’effigie des membres du groupe, Lordi se livre à un show de tous les excès qui le vaut bien. N’est-on pas venu pour ça, après tout ? Le groupe apporte tout de même un peu de tendresse au milieu de toute cette monstruosité, évidemment lors de l’interprétation de It Snows in Hell, toujours aussi émouvant. Du côté des musiciens, Hiisi et le nouveau guitariste Kone se montrent très complices et nous font profiter de quelques moments collé serré… Enfin, comment parler d’amour chez Lordi sans évoquer l’ultime Would You Love a Monsterman? ? Tels les feux d’artifice qui l’accompagnent, musiciens et spectateurs explosent une dernière fois en chœur sur cette romance hard rock et disco, conclusion digne de ce nom d’un show célébrant le culte d’un album et celui du grand-guignol. Une leçon est en tout cas à en retenir : sous les costumes et les masques, n’oublions pas que bat un petit cœur de monstre. [Ségolène]

Ainsi s’achève, sur un dernier verre, ma première expérience au Wacken Open Air. Une première expérience marquée par les caprices de la météo, l’impossibilité de prendre des photos et quelques dilemmes parfois délicats, mais au cours de laquelle les grands bonheurs viennent sans peine compenser les petites frustrations. J’espère bientôt la renouveler, si possible avec de meilleures armes… [Ségolène]

Lordi (par Christophe Ochal)