Les clips vidéo de Get in the Ring et de The Great Heathen Army ont respectivement atteint, à l’heure de réaliser cette interview, un million et un million et demi de vues. Selon votre expérience passée, ces scores influencent-ils le succès d’un album ?

Nous tentons toujours de réaliser le meilleur album possible, sans penser aux scores. Nous mesurons notre succès au nombre de places de concert que nous vendons. Surtout de nos jours, alors que les ventes s’effondrent pour tout le monde et que ces chiffres n’ont plus beaucoup de signification.

Cette attitude vous honore, mais je voulais te demander si, malgré tout, le succès des vidéos constitue un bon indicateur des ventes futures.

Je ne crois pas. Nous connaissons des groupes dont les clips bénéficient de plus de vues que les nôtres, mais dont les albums ne marchent pas et qui ne vendent pas beaucoup de tickets.

Ce qui frappe, à l’écoute de l’album The Great Heathen Army, est son caractère heavy : souvent, les rythmiques, les riffs et les harmonies de guitares sont plus proches du heavy metal que du death, dont le chant reste l’élément majeur…

Nous avons toujours aimé combiner la mélodie d’Iron Maiden, la lourdeur de Bolt Thrower et l’agressivité de Slayer. Je vois ce que tu veux dire quand tu dis que l’album sonne heavy, et il l’est peut-être plus que le précédent, Berzerker, mais cela n’est pas un but en soi.

On retrouve également ces éléments heavy/folk qui font un peu partie de votre marque de fabrique…

En effet, Heidrun, notamment, se devait d’être une chanson gaie, et le côté folk transcrit ce sentiment. En effet, dans la mythologie nordique, Heidrun est la chèvre qui se nourrit des feuilles de l’arbre Læradr. De ses pis sort une abondante quantité d’hydromel qui emplit une cuve (le chaudron Eldhrímnir) et qui est recueilli par Andhrimnir, le cuisinier divin, afin que les dieux et les Einherjar (guerriers d’Odin) puissent s’en abreuver. Ce titre est conçu pour que les gens dansent et s’amusent au concert. Et c’est très bien. Ceci dit, le côté folk vient surtout du violon que nous amenons en milieu de morceau.

Autre élément typique : vos textes, souvent en rapport avec la mythologie nordique. Les titres de The Great Heathen Army reprennent Heidrun, Odin, évidemment, et Skagul. Cela traduit-il simplement l’identité d’Amon Amarth, ou, de façon plus profonde, vos identités d’individus de culture scandinave ?

Cette thématique est en adéquation avec l’image et le style du groupe, simplement. Nous n’avons pas de message culturel particulier à véhiculer. Mais tous les titres ne sont pas orientés « Vikings ». Find a Way or Make One (ndlr : « Trouve ta voie ou crée-la » ), par exemple, peut parler à tout un chacun. D’autre part, nous n’avons pas de concept, cette fois. Il est donc aisé de passer d’un sujet à l’autre.

Le titre Serpent’s Trail dévoile une voix claire et des éléments progressifs qui arrivent après un début dont la lourdeur évoque Bolt Thrower, dont tu nous parlais en début d’interview. Comment cette composition aux éléments très variés a-t-elle vu le jour ?

C’est difficile à dire, peut-être parce qu’il n’y a pas de raison particulière ou de calcul derrière cela. Si les idées que nous amenons nous semblent fonctionner et aller bien ensemble, peu importe le ou les styles mis en valeur. Si les éléments se combinent bien, nous les conservons.

L’album renferme neuf titres de durée variant généralement de quatre à cinq minutes. Pourquoi ce format catchy ?

Une composition est terminée quand elle est terminée. Pas besoin d’en rajouter, sauf si cela s’avère nécessaire et qu’on le sent bien. Tu sais, il est difficile de captiver l’auditeur pendant sept minutes !

Sur Saxons and Vikings, vous avez un invité de marque en la personne de Biff Byford, chanteur de Saxon. Ce titre a-t-il été conçu avec le souhait de départ de l’y faire participer, ou cette idée est-elle apparue a posteriori ?

Ce morceau peut aussi bien se prêter au style de chant de Johan Hegg qu’à celui de Biff Byford. C’était l’opportunité de tenter l’expérience. Nous avons contacté Biff pour voir s’il était intéressé et il a bien aimé l’idée. On voulait le faire depuis longtemps et à ce moment-là, c’était la bonne occasion car nous avions la musique qu’il fallait.

Nous parlions du caractère heavy de cet album, on le retrouve particulièrement sur cette chanson. Lorsque Biff chante seul, je me dis que ça pourrait être une chanson de Saxon.

Absolument ! D’ailleurs c’était important pour nous de maintenir un bon équilibre. Il ne s’agit pas de Vikings massacrant des Saxons, il n’y a pas de gagnant. Biff est le chef des Saxons, Johan celui des Vikings, les lignes de voix sont réparties de manière égale entre eux deux. Nous avons également Paul Quinn et Doug sur la chanson, ils font les solos sur le même principe. Il s’agit d’un véritable travail coopératif.

Au début de la dernière chanson de l’album, Serpent’s Trail, on retrouve des parties bien heavy, mais aussi des passages plus progressifs avec un chant clair, est-ce que c’est un courant que vous avez envie de développer à l’avenir ?

Je ne suis pas sûr qu’il faille en faire plus. Je veux dire par là que c’est ce qu’il nous fallait pour Serpent’s Trail, ce type de chant a pris tout son sens car on est presque dans le registre de l’histoire racontée au début du morceau. On reconnaît bien effectivement le côté progressif et nous avons beaucoup d’orchestrations dans cette chanson qui créent une dynamique particulière, qui reste propre à ce titre.

Vous avez déclaré vouloir ralentir un peu, mais voilà que vous entamez une tournée chargée pour promouvoir The Great Heathen Army, notamment en Europe, aux côtés de Machine Head à l’occasion du Vikings and Lionhearts Tour, une belle programmation en perspective.

Lorsqu’on parle de ralentir, cela ne veut pas dire que l’on va moins tourner. On va peut-être prendre plus de temps entre la fin d’une tournée et la sortie d’un prochain album. En attendant, c’est génial de tourner avec Machine Head, on les connaît depuis neuf ans, c’est un groupe solide et ils sont sympas, une belle programmation, c’est certain ! Nous avons également The Halo Effect avec nous, un groupe vraiment intéressant. On prévoit avec Machine Head un set complet, ce sera un show massif, encore plus important que le dernier show d’Amon Amarth.

De qui est venue l’idée de cette tournée commune avec Machine Head ? Des groupes ? De vos labels ? De votre management, ou question business ?

Je pense que l’idée est venue d’une combinaison de tous ces facteurs. Machine Head n’a pas partagé l’affiche avec d’autres groupes depuis des années. Je me souviens avoir proposé à Robb (Flynn, ndlr), il a six ans de cela, de faire quelque chose ensemble et il n’était pas contre. Après la pandémie et son lot d’incertitudes, ce fut le bon moment pour faire équipe avec quelqu’un et nous avons tout de suite pensé à Machine Head.

C’est l’occasion de vous produire chacun devant les fans de l’autre, le public de Machine Head orienté power metal des années 90 ne connait pas forcément le death metal d’Amon Amarth et vice versa.

Je suis entièrement d’accord et d’ailleurs c’est le sens de cette tournée. Bien sûr, il y aura des fans qui apprécient les deux groupes, mais il y aura certainement des fans de Machine Head qui ne s’intéressent pas forcément à Amon Amarth, ce qui nous donnera l’opportunité de leur donner envie de découvrir notre musique. La même chose est vraie pour les fans de Machine Head et c’est une très bonne chose. Nous devons nous surpasser car nous ne jouons pas devant un public conquis, ce qui est super motivant.

La sortie de l’album en août avec tournée en septembre a été le bon calendrier ou auriez-vous préféré faire votre sortie plus tôt pour prendre part aux festivals de l’été ?

Nous avons déjà fonctionné sur ces deux types de calendriers, il s’agit de deux approches différentes qui fonctionnent bien. Il me semble d’ailleurs que la fois dernière nous avions sorti notre album plus tôt et fait quelques festivals avant de démarrer notre propre tournée, les deux nous vont bien.

Est-ce qu’Amon Amarth n’est pas en train de prendre trop d’ampleur pour continuer à travailler avec votre label actuel ?

Je ne pense pas, d’ailleurs nous venons tout juste de resigner chez Metal Blade. Ils bossent très bien et je suis sûr qu’ils seront capables de s’occuper de nous.

Il ne me reste plus qu’à te remercier pour cette interview. J’ai vu ton agenda pour la promotion de l’album et de la tournée, il est bien plein ! On aura la chance de se revoir, vous passez par la Suisse (Zurich), la France (Paris), la Belgique (Bruxelles) et le Luxembourg, je peux facilement me déplacer sur deux derniers tous proches de là où je me trouve !

Super, merci et à très bientôt alors !