Si le dernier album studio de Mystic circle, The Bloody Path of God, remonte à 2006, la formation historique originale du groupe n’a plus réalisé d’effort commun depuis Infernal Satanic Verses, en 1999. Comment avez-vous réussi à vous réunir, toi et A. Blackwar ?

Et bien, tout d’abord, c’est bien de revenir aux racines, mais nous n’avons jamais pensé que Mystic Circle reviendrait. Blackwar et moi-même nous sommes retrouvés à différentes occasions. Nous nous sommes rencontrés il y a quelques années lors de concerts, mais nous n’avons jamais reparlé du groupe. Finalement, c’est en décembre 2020 que nous avons réévoqué Mystic Circle et discuté de comment il devrait être maintenant. Nous avons réalisé que l’état d’esprit qui nous animait à l’époque était toujours en nous. De là, on s’est dit : « Ah, en 99, on avait encore tellement à faire, et une telle vision du groupe ! ». Et, le jour suivant, nous avons commencé à enregistrer trois chansons dans son studio. Ces versions démo étaient bonnes. Ensuite, on a décidé d’investir un studio professionnel, pour faire le tout correctement.

Est-ce qu’au départ, vous vous êtes dit : « OK, on essaie quelque chose et on verra ce qui se passe. Et si nous ne sommes pas satisfaits, nous arrêtons. » ? Ou bien étiez-vous convaincus à la base qu’un nouvel album devait voir le jour ?

Nous nous sommes dits : « Essayons quelque chose, nous avons quelques idées. Et si nous ne parvenons pas à 100 % de ce que nous voulons avec Mystic Circle, alors on ne le fait pas. ». De la musique au son, ou, comme dans un magazine, de la rédaction à la mise en page, c’est à 100 %. Chaque membre de Mystic Circle et moi-même devons être à 100 % dans chaque étape de ce que nous faisons.

Votre contenu lyrique est souvent basé sur le satanisme, que chacun peut considérer à sa manière. Il peut, entre autres, s’agir d’une sorte de règle à respecter quand on pratique le black metal (ndlr : c’est moins vrai aujourd’hui que ça ne le fut), d’un gadget que l’on aime comme les gens qui aiment regarder des films d’horreur, d’un moyen d’exprimer une sorte d’agressivité ou de négativité, ou encore, d’une véritable philosophie. Quelle est votre position en la matière ?

C’est une bonne question, mais elle est difficile. Satan, ou le côté obscur, ou les histoires d’horreur ou mystiques, nous fascinent, mon partenaire et moi. Si vous nous racontez une histoire mystique ancienne, nous sommes complètement fascinés, mais Satan est aussi un symbole, un symbole fort, que j’utilise dans un esprit de rébellion contre le conservatisme de la sainte Église, et contre le conservatisme tout court. C’est une inspiration pour moi. Satan n’est pas un symbole négatif, mais positif. Mais ce n’est pas le seul composant de cet album, nous avons des histoires anciennes sur les démons, et nous abordons différents thèmes. Nous pouvons traiter de tout, même si nous sommes fascinés par les histoires d’horreur. Et donc, on utilise toute sorte d’inspiration d’horreur noire.

Donc, vous utilisez ces histoires comme des métaphores pour exprimer autre chose ?

Bien sûr, oui. On utilise ça pour donner un visage, je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire. Mais c’est la seule façon, pour moi, d’écrire des chansons, et il en va de même pour Blackwar. De sorte que, quand nous sommes ensemble, nous pouvons encore exprimer des idées, même après tout ce temps.

Quelle est ton opinion sur l’évolution récente, ou peut-être pas si récente, du black metal ? Dans les années 90, tout tournait autour du satanisme, c’était la seule option. Or, actuellement, il existe un black metal plus spirituel, lié à différentes philosophies, à la nature, et j’en passe. Et certaines personnes ont également combiné le style black metal avec des éléments très éloignés de ses racines.

Je n’ai pas de sentiment particulier, parce que c’est ce qui est bien avec le black metal, c’est un domaine artistique. C’est très lumineux, tu sais, donc chacun peut faire ce qu’il veut, chacun a construit son propre monde, et il y a beaucoup de grands groupes. J’aime cette forme d’intelligence, d’approche philosophique. Je dirais, pour schématiser, que ce n’était pas intelligent avant, mais maintenant, le style s’est orienté vers d’autres directions, avec aussi certains virages mélangeant le black metal avec une nouvelle vague ou autre. Il est vrai que quand nous avons commencé, c’était une phase plus punchy. Le style se développe, et nous sommes aujourd’hui des « vieux », si bien que d’autres peuvent être complètement différents de nous, maintenant, et c’est très bien. Je veux dire que tout le monde devrait faire ce qu’il veut, et s’il a du succès, s’il est satisfait de son travail, s’il se sent complètement impliqué, pourquoi pas ?

Le son de votre nouvel album, auto-intitulé, donne à penser que vous voulez récupérer cette vibration des années 90 avec une production beaucoup plus moderne, bien sûr, et un son assez abrasif. Et le chant est très agressif aussi…

J’ai besoin d’agressivité dans le son, dans la production. Tu sais, ce nouvel album est une suite directe d’Infernal Satanic Verses, sorti en 99. Nous avons débuté en 92, mais même en 99, nous n’avions pas l’expérience technique et l’équipement pour obtenir un tel son. Je pense que le nouvel album est une boîte à idées. Tu y entends aussi nos influences heavy metal, il y a beaucoup de guitares heavy metal harmoniques. Et nous n’utilisons pas ce son symphonique à la manière d’antan, nous recourons à plus d’échantillons, des échantillons de films d’horreur, comme certaines voix ou certains sons que vous n’entendez pas directement à l’avant-plan, mais dans le fond. Marilyn Manson l’a fait souvent. Vous remarquez des sons très profonds, c’est ce qui vous fait peur ou vous met mal à l’aise. Le rendu global de l’album provient aussi du fait que nous sommes aujourd’hui de meilleurs auteurs-compositeurs. Maintenant, il nous est facile d’écrire une chanson. Parce que nous sommes tellement inspirés par tout ce que nous faisons, nous sommes complètement dedans.

Comment avez-vous organisé l’ordre dans lequel les chansons apparaissent sur l’album ? Les trois premières sont très rapides, puis sur la quatrième, vous ralentissez un peu pour devenir plus lourd. Vouliez-vous placer plusieurs chansons très rapides au début ? Question de dynamique ?

Je pense que c’est une bonne combinaison. Par exemple, la dernière chanson, Satanic Mistress, se devait d’être la dernière de l’album, car nous voulions qu’il se termine dans une explosion, et c’est une chanson très rapide. Pour le reste, c’est difficile à dire, nous essayons de faire quelque chose d’un peu différent et de mixte.

En guise de bonus pour les fans qui achètent l’édition limitée du CD digipack, vous proposez cette reprise de Possessed, « Death Metal ». Pourquoi ce choix ?

C’est un grand classique, bien sûr. C’est Blackwar qui est à l’origine du choix parce qu’il aime cette chanson. Ce sont les parrains du thrash metal satanique. Ils ont été de grandes influences quand nous étions plus jeunes. Mais on adore aussi les parrains du death metal satanique, comme Deicide ou Venom. On a choisi cette chanson, mais on aurait aussi pu aller piocher chez Deicide ou chez d’autres groupes. Mais c’est une super chanson, et Possessed est une très, très grande influence, et ils ont contribué à l’émergence de cette mode satanique dans les années 80.

De nos jours, il est très tendance de sortir des albums de reprises. Cette possibilité est-elle envisageable pour Mystic Circle ? Et que tel soit le cas ou pas, peux-tu simplement citer quelques groupes que tu aimerais reprendre ? Juste pour mieux connaître vos influences…

Nos influences, en matière de musique hard rock ou metal au sens large, vont d’AC/DC à Iron Maiden en passant par tous ces vieux groupes de death metal, comme Napalm Death, le vieux hardcore new-yorkais, comme Circle Jerks, Gorilla Biscuit, et la musique classique.

Parlons de la scène. Quels sont vos espoirs ou vos projets, si projets il y a, pour cette année.

Nous n’avons pas de projets de concerts pour le moment, nous avons prévu de sortir beaucoup de choses. Nous sommes vraiment en studio une fois par semaine pour enregistrer des trucs. Et on veut faire du Mystic Circle ! Cela signifie aussi que nous sommes fort actifs sur notre page Instagram, nous faisons de petites vidéos, nous voulons aller plus loin dans ce business de l’horreur. Vous savez, nous travaillons en collaboration avec différents réalisateurs. Peut-être que dans l’avenir, nous repartirons sur les routes, ça dépendra de nos moyens financiers. Nous avons l’intention de proposer un grand spectacle. Donc, si l’album ne rencontre pas le succès, nous ne partirons pas sur la route. Je l’ai fait pendant vingt-cinq ans, et c’est très dur. Nous ne ferons pas de compromis sur ça, et nous ne nous produirons sur scène que si Mystic Circle reprend de l’ampleur et que nous sommes en position de produire de grands shows. Dans ce cas, nous donnerons bien sûr quelques concerts. Et comme un seul moi-même sera sur scène, il y aura des musiciens invités.

Que pensez-vous des concerts en streaming ?

Pas grand-chose. Je n’aime pas trop ça. Et je peux te dire pourquoi. C’est comme quand tu es fan de sport, et que tu vas au stade. Tu as besoin de ce sentiment de communion avec les autres supporters, c’est le but. Quand tu vas au concert, c’est la même chose. Et de notre point de vue, en tant que musiciens, sans cette interaction avec le public, nous aurions l’impression d’interpréter un rôle, comme des acteurs. Si c’est pour voir ça, je préfère regarder un clip. J’ai visionné quelques-uns de ces concerts. J’ai regardé cinq minutes, mais c’était tellement ennuyeux…

Et bien, j’espère que nous aurons l’occasion de vous apprécier en vrai live dans un futur assez proche. Il me reste à te remercier pour cette interview, et à souhaiter un bel avenir à Mystic Circle.

Merci, bye bye !