Forts du succès rencontre par l’album Gunmen, sorti en 2017, Orden Ogan nous livre Final Days, nouvel opus qui devrait encore faire monter la popularité des Allemands d’un cran. Sebastian « Seeb » Levermann (chant / guitares) nous en livre les secrets de fabrication.

Je voudrais d’abord t’adresser les félicitations de toute l’équipe de Metal Alliance, pour le succès de votre précédent album, Gunmen, et pour la qualité du tout nouveau, Final Days. Ma première question est assez prévisible et je m’en excuse : avez-vous ressenti une certaine pression découlant de ce succès ou un besoin d’envisager les choses autrement dans le but d’éviter toute forme de répétition ?

Pas du tout, j’ai Orden Ogan et mon propre studio où d’autres groupes viennent enregistrer, je gagne ma vie grâce à tout cela. Je n’ai jamais considéré Orden Ogan comme un projet commercial et nous avons envisagé ce nouvel album comme tout autre. De la même manière que si nous n’avions pas de contrat avec un label. Le fait que des personnes aiment notre musique est la seule chose qui importe. Je crois que cette approche se ressent, c’est ce qui nous rend authentiques et que les gens apprécient.

Avez-vous tenté de nouvelles approches musicales pour Final Days ou utilisé d’autres influences que précédemment ? Car il y a de petites touches modernes sur ce nouvel album, qui conserve néanmoins cette marque de fabrique qui a fait votre renommée…

Sur Gunmen, nous avons amené ces mélodies du genre western qui convenaient au propos. Car même s’il ne s’agissait pas d’un concept album en tant que tel, il y avait une ligne directrice, une sorte de scénario. Pour Final Days, nous voulions absolument traiter de science-fiction et nous sommes demandés quel genre de mélodies et d’harmonies pouvaient au mieux représenter ce domaine. Mais en fait, il n’y en a pas. Les orchestrations classico-symphoniques de Star Wars, par exemple, pourraient se retrouver dans n’importe quel film d’aventures. Pour coller à notre sujet, musicalement parlant, nous avons donc plutôt joué sur les effets de voix et les sonorités pour donner un rendu futuriste.

Vous aimez donc conter des histoires. Gunmen nous plongeait dans le monde du vieil Ouest tandis que Final Days nous embarque en pleine science-fiction. Y a-t-il d’autres univers dans lesquels vous souhaiteriez nous emmener ensuite ?

Oui, les sous-marins nucléaires russes, haha… non, sérieusement, Final Days est à peine achevé et nous ne savons pas encore où nous allons atterrir la prochaine fois.

Et pourquoi pas, un jour, un véritable concept album ?

Il est trop tôt pour le savoir, nous voudrions tourner dès que cela sera à nouveau possible et ne pas nous remettre à l’écriture avant un bon moment. La sortie d’un album est comme la naissance d’un enfant, et quand il vient au monde, tu ne penses pas déjà au suivant. Il faut un peu de temps avant cela.

L’ordre dans lequel apparaissent les chansons a-t-il une importance particulière ?

Oui, tu sais, quand je travaille comme producteur pour d’autres groupes, je propose souvent un certain ordre pour les morceaux. Comment dire, certains titres sont parfaits pour ouvrir un album, d’autres sont idéalement à leur place en deuxième position, ou en cinquième… En ce qui concerne Orden Ogan, nous utilisons différents tempos, différentes clés. Si, par exemple, deux titres assez rapides se succèdent, cela peut donner l’impression que le suivant est lent, alors que ce n’est pas forcément le cas. Donc oui, tout cela demande une certaine réflexion.

Comme tu es aussi un producteur, ton approche du travail en studio est-elle la même suivant que tu travailles pour Orden Ogan ou pour un autre groupe ?

Il faut différencier deux choses, lorsque je produis un groupe. Certains d’entre eux, comme Rhapsody of Fire, me fournissent des bandes finalisées et je n’ai alors plus qu’à les mixer et les faire sonner le mieux possible. Car en effet, quelqu’un comme Alex (Staropoli, claviers) a lui-même les capacités de produire. Un autre cas intéressant est celui de Brainstorm. Ils ont sorti tellement d’albums qu’ils cherchaient quelqu’un qui puisse les amener à se renouveler et qui donne son avis sur les chansons : faut-il modifier un couplet ou un refrain, changer la tonalité, ce genre de choses. Je peux aussi laisser en l’état certaines prises qui sont bonnes sans être parfaites, par exemple s’il s’agit de choeurs qui seront mixés assez bas et dont personne ne pourra distinguer les petites imperfections. Et c’est là que j’opère différemment pour Orden Ogan, car je cherche la perfection totale, même si cela n’a pas forcément de sens tant certains détails sont pratiquement inaudibles. J’en deviens parfois pénible.

Des invités de marque apparaissent sur Final Days : Ylva Eriksson de Brothers of Metal et Gus G. Peux-tu nous dire comment et pourquoi ces personnes se retrouvent sur l’album ?

C’est différent pour les deux. Dans le cas de Gus, nous commencions à avoir des problèmes avec notre ancien guitariste, Tobias « Tobi » Kersting, depuis début 2018. La vie change et quelques fois, on n’est plus en mesure de se donner à fond dans une activité, c’est ainsi. J’ai un jour plaisanté en disant que nous devrions chercher un guitariste pour jouer un solo comme invité, car Tobi n’en aurait sans doute pas le temps, ce que nous avons finalement fait. Nous connaissions Gus depuis longtemps et tout cela a été très vite. À peine quelques jours entre le premier e-mail et l’enregistrement de son solo. Tout cela a l’air comique quand je le dis, mais nous sommes ravis , étant de grands fans de son jeu. Et puis, avoir l’ex-guitariste d’Ozzy Osbourne sur notre disque est un véritable honneur ! Ceci dit, notre but n’a jamais été et ne sera jamais d’aligner une série de noms prestigieux sur une guest list. J’avais en tête une idée précise de la façon dont devrait sonner ce fameux solo, et connaissant très bien Gus, je devinais par avance ce qu’il nous proposerait et au final, c’était exactement ça !

Concernant Ylva, nous cherchions une vocaliste pour le titre Alone in the Dark, car il confronte deux points de vue différents, et le second couplet / refrain nécessitait absolument une voix féminine. Au départ, son nom nous a été conseillé par AFM Records, chez qui Brothers of Metal est aussi signé. Mais je pense que personne d’autre n’aurait pu interpréter ces passages mieux qu’elle. La façon dont elle pose son chant doux et mélancolique et juste formidable.

Concernant le départ de Tobi, je ne te demanderai pas de détails, partant du principe que cela ne regarde que vous. Cependant, comment avez-vous fait face à son départ ? Car remplacer un membre présent depuis de si nombreuses années (de 2007 à 2020) n’est sans doute pas aisé…

Nous n’avons pas dû faire face à proprement parler, car nous savions que la séparation devait se produire. C’est une décision bilatérale. Nous sommes impliqués dans Orden Ogan à plein temps, mais Tobi n’avait plus la possibilité de s’investir totalement. Cela m’a évidemment attristé car nous sommes très bons amis. Je me suis quand même retrouvé dans un triste état d’esprit, pensant que la musique que nous étions en train d’écrire était la moins bonne de l’histoire du groupe. Heureusement, les autres membres m’ont finalement totalement convaincu de tout le contraire. Le remplaçant de Tobi est Patrick Sperling. Il m’a été conseillé par un ami commun bien inspiré. Il nous fallait un guitariste doté d’un niveau de jeu assez élevé car, même si nous ne faisons pas du Death Metal technique, notre musique est loin d’être simple à jouer. Ensuite, nous avons les pieds parfaitement sur terre et sommes plutôt du genre cool et sans prises de tête. Le poste devait revenir à un musicien qui soit sur cette même ligne. Patrick ressemble à un jeune Zakk Wylde, joue comme un jeune Zakk Wylde et vit à seulement une demi-heure de chez moi. Et comme il est aussi prof de guitare, il dispose des facilités nécessaires pour pouvoir s’investir à fond dans le groupe.

Te souviens-tu de ton état d’esprit au début du groupe et avais-tu imaginé Orden Ogen devenir aussi populaire ?

En tout cas, je l’espérais… et tu sais, tant que tu écris de la bonne musique, il se trouvera toujours des gens pour l’aimer et l’acheter. Nous avons toujours travaillé dur pour établir le groupe, mais j’ai finalement réalisé qu’il ne sert à rien de stresser en pensant au succès. Si une chose ne marche pas, une autre marchera. Et je le dis toujours aux jeunes groupes qui viennent enregistrer dans mon studio : il faut suivre sa voie sans tenter de forcer le succès. Si ce que l’on fait est valable, il en ressortira toujours quelque chose.

Vous avez prudemment planifié votre prochaine tournée pour février 2022. D’ici-là, comment voyez-vous la situation pour la musique en général ?

Nous devions déjà partir sur les routes l’année dernière, avec Grave Digger et Rage en supports. C’est la troisième fois que la tournée est reportée. D’abord à avril, puis en fin d’année, et maintenant en février 2022. Je préfère rester prudent et réaliste. Quand la pandémie a frappé en 2020, je prédisais que plus aucun concert n’aurait lieu pendant cette année, et tout le monde a commencé à me prendre pour un fou. De même, je ne crois pas que cela redeviendra possible cette année, ni en Allemagne, ni ailleurs. Je sauterai de joie quand nous pourrons reprendre le chemin des salles, et tout le monde a faim de concerts, mais je ne vois pas ça pour tout de suite. Par contre, il me semble raisonnable que les choses puissent reprendre en 2022.

En attendant, nous pouvons écouter confortablement Final Days à domicile et pourquoi pas, prendre le temps de nous replonger dans votre discographie…

Faites…